Après avoir monté avec ses 4 associés la webradio Le Mellotron, le jeune entrepreneur Anders Sicre a repris, en octobre dernier, la direction artistique du club de la rue Tiquetonne Le Malibv. On revient avec lui sur ses projets, et notamment sur son ambition de faire de ce dernier un club de House Disco. Le plus cool de Paris ?
Bonjour Anders ! Commence par te présenter en quelques mots.
Anders Sicre : Et bien je m’appelle Anders et fait partie du crew fondateur du Mellotron qui, avant d’être un bar, est une webradio et un webzine. Sinon je mixe aussi depuis une quinzaine d’années et… voilà !
… Et tu es désormais directeur artistique du Malibv.
AS : Oui, j’ai repris la DA et la gestion du club depuis le mois d’octobre 2015.
Tout seul ?
AS : Non avec mon associé qui a deux affaires dans la rue Tiquetonne : Le Next et Le Maze, deux bars de nuit.
Ça vient d’où ce nom du Mellotron ?
AS : Le Mellotron est un clavier à bande des années 60. Il s’agit un peu du premier multi-instrument, du premier sampler. Pourquoi ce nom ? C’est Bertrand Niquel, le “papa” du projet qui avait donné ce nom à son blog qui est devenu ce qu’il est aujourd’hui.
Revenons sur Le Malibv. Commet ça s’est fait ?
AS : Giorgio (l’ancien directeur artistique, ndlr) est parti vivre à Istanbul. C’est son ancien associé, propriétaire des restaurants italiens dans la rue, qui m’a proposé de reprendre sa place. Je lui ai dit : “Pourquoi pas ?!”
L’ambition de la direction artistique du club a changé par rapport à celle qu’avait Giorgio ?
AS : Avec Georgio, on était déjà tous les deux pas mal en contact avec les mêmes collectifs, ne serait-ce que D.KO, par exemple. Et puis pas mal d’artistes qui mixaient au Malibv sont aussi passés à la radio, à l’époque.
Je pense que la scène techno est déjà bien assez représentée aujourd’hui
On peut donc parler de continuité ?
AS : Oui, une continuité mais en moins électronique, moins techno. Je veux ouvrir la musique jouée vers ses racines, c’est-à-dire le disco, le jazz funk, l’afrobeat… Ouvrir au groove dans ses grandes lignes. L’esprit reste, mais la programmation s’élargit. À l’époque de Giorgio il y avait aussi du disco, de la house, mais il aimait aussi quand même beaucoup la techno minimale. Moi je n’ai pas envie d’aller vers ça, je pense que la scène techno est déjà bien assez représentée aujourd’hui. Et puis le sound system du Malibv n’est pas forcément fait pour…
Vous avez des problèmes d’insonorisation ?
AS : Le problème c’est que le club n’est pas insonorisé, donc il faut faire attention, forcément ! On a jaugé et on sait maintenant à quel niveau sonore on dérange ou pas… C’est un peu difficile, mais il faut juste s’adapter !
Ça sera dans la ligne directrice de ce que vous faites au Mellotron… ?
AS : Oui, forcément ! Et pus je m’investis tellement ici (au Mellotron, ndlr) qu’il y aura forcément des liens. Et grâce au Malibv, on va même pouvoir compléter la ligne de la radio : les DJs qui viendront jouer au club passeront par ici… et inversement !
Et les crews qui viennent souvent à la radio comme D.KO, mais aussi La Mamie’s, Mawimbi etc. sont des gens qu’on va régulièrement retrouver au Malibv donc ?
AS : Oui, bien sûr ! Les garçons de Mawimbi viennent la semaine prochaine (la semaine dernière maintenant, ndlr), D.KO c’est pour fin février et le crew La Mamie’s qui est ultra-booké maintenant (et c’est cool pour eux !) pour le printemps ou pour début juin, pas avant. Mais bon, Théo de La Mamie’s est quand même venu jouer pour un after qu’on a fait un samedi matin avec Discomatin…
Si on devait décire en deux mots l’ambiance que je souhaite définir au Malibv, ça serait “Disco House”
Justement, quels sont les (plus) petits collectifs que tu pourrais nous conseiller ? Des noms à nous citer ?
AS : L’idée ce n’est pas de faire des résidences mensuelles, mais bien de faire tourner des gens, de créer une famille à la manière du Mellotron. Le Mellotron c’est 70 DJs, des collectifs et une structure qui s’étend toujours. J’ai envie de développer le club dans cet esprit et je pense que c’est d’autant plus facile vu la petite taille de ce dernier : 150 m².
Et donc pour en revenir aux collectifs, je citerais bien Musique Large, un super label pas nouveau pour le coup. Il y a aussi Nu Colorz et Res.onnance qui sont très disco et très house… Si on devait décire en deux mots l’ambiance que je souhaite définir au Malibv, ça serait “Disco House”. Je trouve que le lieu s’y prête vachement.
Pourquoi ?
AS : Je ne sais pas… Sa petite taille (comme je disais précédemment), mais aussi sa chaleur, sa boule à facette. J’ai testé pas mal de soirées déjà et le disco et la House fonctionnent très bien ! Bref, tous les collectifs que j’invite tourne autour de cet esprit et, d’ailleurs, je n’hésite parfois pas à leur dire d’éviter de jouer trop techno.
Quels sont les points forts du Malibv ?
AS : Sa petite taille, son emplacement géographique, son sound system rond et très correct… Il n’est pas hallucinant mais très largement suffisant pour faire s’amuser une centaine de personnes. Et puis la convivialité. Je reste dans la lignée de ce que faisait Giorgio : pas de sélection à l’entrée, tout le monde est le bienvenu pour boire des coups, kiffer la musique et faire la fête !
Et ses points faibles ?
AS : Il y fait chaud, il n’y a pas de clim et le sound system pourrait aussi être encore toujours mieux, mais tout ça représente des investissements lourds. Après, si ça marche, il n’est pas impossible qu’on se donne les moyens financiers pour investir dans tout ça, justement. D’ailleurs, l’idée est de faire quelques travaux d’ici le printemps : donner un petit coup de peinture, poncer le parquet, le revernir, mettre un peu de clim…
… Vous allez faire un truc pour les odeurs ?
AS : Et bien c’est ça : il faut tout sécher, d’où la clim ! C’est vrai qu’il faut faire ça parce que même pour moi ça m’est désagréable (rire).
Dis-nous quelque chose qu’on ignore sur Le Malibv.
AS : Il y a un tiers de la superficie en plus dans des caves où on peut se retirer pour fumer et boire des coups en privé.
Je donne carte blanche à des collectifs sur 80% des dates du Malibv
C’est quoi l’hymne musical du Malibv ? Tu pourrais nous trouver un ou plusieurs morceaux représentatifs ?
AS : Tous ceux-là :
Two Man Sound – “Que Tal America”.
Kiki Gyan – “Pretty Pretty Girls”.
Patchworks Ginger Xpress – “Brothers On The Slide” (Brooklyn Mix).
Jack J – “Thirsting”.
Sound Stream – “Bass Affairs”.
6th Borough Project – “Back To Me”.
Moodymann – “Come 2 Me”.
Robert Owens, Hugo Barritt – “You Are” (Efdemin Remix).
Jacques Renault – “Marilyn’s Gold”.
À quel(s) DJ(s) tu confierais les clefs de ton club ?
AS : Il y en a plein ! Et notamment les membres d’un collectif qui a une résidence à la radio et au Malibv, Around The World. Ils ont fait des soirées avec une super ambiance. Je pense aussi à la bande de Digger’s Delight avec Souleiman et Maxence Robinet de Discomatin et Phonographe Corp. Ils donnent tous exactement la teinte que je souhaite donner au club, au même titre que La Mamie’s, encore. Tous savent rester dans ce socle qu’est le jazz et le disco qui sont la source de toutes les bonnes musiques de dancefloor.
Et dans ce cas pourquoi pas – plus fou – un Harvey, par exemple ?
AS : Evidemment ! Je suis un gros fan d’Harvey ! Et aussi d’Osunlade. C’est vraiment la house tribale, rythmée et chaleureuse qui me fait du bien, me met dans une bulle.
Quoi de prévu côté programmation à venir ? Des exclus à nous livrer ?
AS : Oui ! Et bien on a déjà Fulgeance qui tourne pas mal et est chez Ed Banger qui viendra le 5 février avec deux ou trois gars du label dont Rekick. Une très belle date ! Le 11 mars aussi, on recevra Nickodemus, un DJ new-yorkais qui viendra accompagné de Bosq qui fait des edits disco/ funk et des compiles assez connues dans le milieu des DJs… Tout n’est pas encore validé, parce que je travaille en duo avec les collectifs. Je co-réalises 80% des dates avec ces collectifs, ce qui signifie que je leur donne carte blanche et que, de mon côté, je valide le line up. Il s’agit de partenariats en somme, d’où l’esprit famille dont je parlais.
Dans tes rêves les plus fous, à quoi ressemblerait ta soirée idéale ?
AS : Je suis assez fan d’un festival organisé par Gilles Peterson à Sete et qui s’appelle le Worldwide Festival. J’y vais depuis des années et je pense que les soirées idéales je les ai passées là-bas. En quelques mots c’est une journée qui commence dès 14h avec des DJ sets sur la plage de Floating Points, Four Tet, Benji B, ou encore Osunlade, le tout jusqu’au coucher de soleil. Après, on a juste le temps de prendre une douche puis on se retrouve dans un amphithéâtre face à la Méditerranée à manger des huîtres en écoutant des concerts de jazz, pour enchaîner avec un DJ set de Moodymann ou DJ Harvey sous la lune. Je conseille !
On note… Et tes projets dans un futur plus lointain ? Un label avec Le Mellotron ?
AS : On va d’abord monter une compile Le Mellotron. Une compile qu’on va produire nous-même. Depuis 6 ans, on a toujours fait les choses étape par étape. On a commencé en faisant du beau contenu pour le site internet, puis ça a été l’étape radio qu’on essaye d’améliorer tant au niveau de l’écoute que de la vidéo (on streame tout)… J’ai d’abord monté une péniche (Le Mellow où se trouvait avant la webradio, ndlr) pour finalement racheter ce bar (6 Rue Beaurepaire dans le 10ème). À partir de fin février, on va attaquer la vente de disques le samedi après-midi (700/ 800 disques, pas plus) au Mellotron. Un bon moyen de soutenir les petits labels qu’on a autour de nous !
Après, plus personnellement, j’aimerais aussi beaucoup étendre Le Mellotron ailleurs : à Londres, voire Berlin. Si je dois rêver à quelque chose, c’est ça !