Le 18 mai 1980, le chanteur du groupe mythique Joy Division mettait fin à ses jours, ouvrant au passage les vannes de la musique wave.
Triste anniversaire. Il y a 34 ans, Ian Curtis, le chanteur de Joy Division, mettait fin à ses jours dans sa maison de Maccelsfield à la veille d’une tournée triomphale en Amérique du Nord. L’horreur de cette disparition va avoir une importance capitale sur la musique des années 80.
Pour comprendre l’impact artistique et symbolique de Curtis, il faut reprendre le train en 1976 : le punk commence à débarquer, les groupes scandent des morceaux comme “Anarchy in the Uk” en jouant maladroitement mais très fort sur des guitares saturées. Le mouvement va s’étendre comme une traînée de poudre en Angleterre puis dans le reste de l’Europe, comme en France avec, par exemple, Métal Urbain.
Jeunes nihilistes issus d’une génération sacrifiée par l’ère Tatcher, les punks jouent autant des poings que du look pour montrer un refus plus ou moins marketé de la société. Entre fêtes débraillées et rixes à l’anglaise, l’ambiance est à l’hyperactivité, la profusion. Du coup, une créativité musicale rare, faite de choses aussi calamiteuses que fantastiques ou politiques, va faire oublier le désastre social de l’époque dans le coeur des déclassés.
Joy Division, du punk (presque) comme les autres
En 1977, suite à un concert des Sex Pistols, Ian Curtis rejoint au chant le groupe Warsaw, bientôt renommé Joy Division. Leurs guitares sonnent horriblement mal, Curtis chante faux, le batteur essaie de jouer alambiqué à défaut de réussir à inculquer une quelconque puissance aux morceaux, le bassiste joue sur 3 notes. Mais ça fonctionne : depuis Maccelsfield, ces jeunes gens vont séduire le Manchester punk puis toute l’Angleterre.
L’esthétique provocatrice courante devient ici plus sobre, plus terne, plus dépressive. Si le “No Future” des autres punks appelait à un certain chaos, celui de Joy Division dégageait quelque chose de plus fataliste.
Love Will Tear Us Appart
Alors que le groupe devient progressivement un blockbuster UK, Ian Curtis va vivre un véritable drame amoureux. A seize ans, celui ci s’était marié avec une fille du coin, Deborah Woodruff avec qui il eut vite un enfant. A mesure des rencontres que la vie d’artiste peut offrir, il tomba follement amoureux d’une jeune journaliste belge. Comme il l’expliquera lors de son ultime engueulade conjugale, il ne pouvait se séparer d’aucune d’entre elles : ni de la mère de ses enfants, ni de celle à qui il voue une véritable passion. Le morceau culte “Love Will Tear Us Appart” illustrera parfaitement le propos. Curtis est alors face à une impasse.
Son épilepsie l’usera jusqu’à qu’il mette fin à ses jours le 18 mai 1980. Si lui et ses camarades jouaient véritablement une musique rock, punk, ce suicide mettra en lumière tout l’aspect romantique et désespéré de ses textes. Son chant ne sera plus faux, il sera habité. Le son ne sera plus sale, il sera caverneux : tout le registre de langage change et transforme les nihilistes rageux en poètes maudits. Tout ceci pourrait être risible, mais ce n’était pas le cas : la musique de Joy Division a toujours été réellement ravagée par la douleur d’un type au bout du rouleau, entre maladie et déboires conjugaux. Les artistes que Curtis va inspirer créeront les courants les plus intéressants de l’âge d’or 80’s.
Et le punk devint triste
Si les Sex Pistols n’ont pas forcément tué le punk, c’est le décès du leader de Joy Division qui l’aura enterré. Sa disparition marque la popularisation en Angleterre du “post-punk” : la “wave”, la musique industrielle, la “pré-techno”, et toutes ces musiques qui mêleront les synthés, boîtes à rythmes et héritage rock désespéré dans la continuité des derniers morceaux des mancuniens. Citons quelques uns des fers de lances de ces mouvements : Trisomie 21 ou encore Tuxedomoon à l’époque, Soft Moon, Keluar, Noir Boy George ou Seventeen At This Time aujourd’hui.
Allons plus loin : les musiques à synthés, la cold wave ou la musique industrielle ont été parmi les principales fondations de la techno, avec la musique allemande du début des 70’s. De là à dire que le décès de Curtis a engendré l’une des musique les plus populaire à l’heure actuelle, il n’y a qu’un pas. Qu’on vous laissera faire.
A l’occasion des trente quatre ans de la fin groupe, vous pouvez vous plonger dans sa discographie, voir le superbe biopic “Control”, d’Anton Corbijn ou encore vous pointer ce soir au Buzz à Belleville, seule salle où un tribute digne de ce nom a été programmé à Paris.