Hamza a 21 ans et vient de Bruxelles. Il fait partie de cette vague rafraichissante de jeunes artistes qui prennent le rap francophone par surprise. Nous l’avons rencontré à Paris.
Entre deux projets, le jeune emcee de 21 ans était récemment à Paris avec son équipe. Le boss de Kilogrammes Gang a été révélé l’été dernier par la sortie d’une météorite composée de 24 scintillements : H24. Celui qui passe son temps éveillé jour et nuit à bosser sur sa musique nous explique comment il en est arrivé à ce statut de révélation. Un poids parfois lourd à porter, si l’on ne sait pas quoi en faire. Zombie Life arrive, et dans l’anticipation de son concert le 26 mars prochain à la Maroquinerie, nous avons décidé de rencontrer le jeune artiste pour apprendre à le connaitre. Entre la scène belge qui prend de plus en plus d’importance dans la musique francophone et les thèmes qu’il aborde, quelques questions nous démangeaient.
Villa Schweppes : Où as tu grandi ?
Hamza : J’ai longtemps vécu à Laeken, une des communes de Bruxelles, plus précisément dans le quartier de Bockstael. J’y vis depuis tout petit, et culturellement, c’est super intéressant : tout y est mélangé ! Mais depuis quelques temps, je suis sur Ixelles, une autre des communes de Bruxelles. C’est là qu’est situé mon studio, donc là que je passe évidemment le plus clair de mon temps.
Ta musique tourne autour de pas mal d’idées reçues sur les quartiers et le rap, que tu réussis bien à manier sans créer de malaise. Qu’est ce qui modèle ta musique et son contenu ? C’est là où tu vis ? C’est d’autres oeuvres ? Ton vécu ?
Hamza : C’est un tout en fait, c’est comme un grand puzzle. Il y a les amis, la vie, des références de films, d’albums ou de morceaux qui m’ont marqué… J’aime vraiment tout mélanger.
Villa Schweppes : Dans le morceau “Cette Maille”, tu nous décris un peu le déroulement d’une journée ‘type’. Avec le succès que tu rencontres aujourd’hui, et les autres projets qui s’empilent comme Zombie Life, ta prochaine tape, à quoi ressemble une journée type pour toi ?
Hamza : Zombie Life est quasi fini, il arrive normalement fin mars. Une journée type pour moi, c’est être en studio avec mes gars et bosser sur ma musique. Il y a aussi et de plus en plus, des journées promotionnelles, comme aujourd’hui, où je me déplace à Paris et je dois te l’avouer je m’ennuie un peu. Enchainer les interviews, c’est pas ce qu’il y a de plus stimulant, on en conviendra… Pour moi, vraiment l’idéal ressemble plus à ma routine d’enregistrement, passer mon temps en studio, réfléchir avec mon équipe. On est passionnés de musique : c’est notre base.
Villa Schweppes : D’autant plus que tu produis également tes morceaux.
Hamza : Oui, je fais quasiment 90% des productions sur lesquelles je pose, je crois.
En quelques mois, j’ai enregistré une centaine de morceaux.
Villa Schweppes : Justement, ton potentiel, pour beaucoup (en tant que rappeur / producteur et mélomane) a été découvert sur ”Recto Verso” de la mixtape du même nom. C’est selon nous un des morceaux qui a modelé la suite de ta carrière… Tu peux nous en parler ?
Hamza : En fait ce morceau est un vrai produit de Kilogrammes Gang. C’est mon gars Triton, qui faisait partie du groupe à mes côtés, qui a trouvé le refrain. Il écoute beaucoup de musique électronique. Niveaux mélodie, il est très fort, il est capable de trouver des idées incroyables. C’est à lui que revient le mérite pour le refrain de ce morceau. Je me suis seulement chargé d’y poser mes couplets, et ça a donné ce que ceux qui me suivent connaissent…
Villa Schweppes : D’ailleurs, comme Recto Verso, H24 est sortie gratuitement sur plusieurs plateformes. Pourquoi avoir opté pour l’option du téléchargement libre pour une mixtape de ce calibre ? Quel a d’ailleurs été le processus de création de ce projet ?
Hamza : En sortant le projet, on a voulu marquer le coup. Le site Haute Culture (site dédié aux sorties de mixtapes francophones, ndlr) commençait à bien prendre également. On s’est donc dit que ce serait une bonne chose que d’atterrir sur le site avec un projet de qualité. C’était un peu après ShegueyVara de Gradur, qui a connu sur ce même site un gros succès. On s’est dit que c’était une bonne opportunité que de lâcher un projet sur un site sur lesquels les gens vont réellement écouter la musique. Ca a vraiment bien marché, donc on a décidé de suivre avec les plateformes digitales, pour atteindre ensuite le plus grand nombre de personnes possible. C’était une façon de propager le délire, d’atteindre des gens.

Hamza : “On doit faire les choses bien pour figurer sur cette putain de carte”.
Villa Schweppes : Un projet de 24 morceaux comme H24 doit forcément découler d’un long temps de gestation, non ? D’ailleurs, le projet a quand même un fort côté album, même si c’est en effet une mixtape.
Hamza : Je vois ce que tu veux dire, mais je le vois plus comme une mixtape car quand j’ai enregistré H24, je sortais d’un hiatus : j’avais des galères de studio, mais mon manager a réussi à me trouver du temps dans l’un de ses studios à Ixelles, et c’est ce qui m’a permis de me remettre au travail. En quelques mois, j’ai enregistré une centaine de morceaux. On en avait beaucoup et de nombreux morceaux étaient très bons, donc on n’a pas voulu faire de concessions, donc on s’est dit que H24 était un beau concept : je travaille sans arrêt, ça nous permettait de mettre 24 morceaux dans ce projet, et par dessus tout, mélanger les styles, donner plusieurs palettes de mon talent. Il y a plusieurs registres dans cette tape. C’est une palette de couleurs qui me ressemblent. L’idée vient de mon manager Dakose.
Villa Schweppes : Toi, comme les révélations de la fin d’année passée que sont PNL par exemple, vous avez en commun des influences trap, des mélodies douces et des sujets violents. Le deuxième versant de cette comparaison, ce sont les clips, qui jusqu’ici pour toi aussi restent variés, mais soignés également. Tu peux nous parler de ce que tu recherches dans tes visuels ?
Hamza : Clairement, on n’a pas donné le maximum visuellement encore. On a bossé dessus, et beaucoup réfléchi, mais c’est pas encore le mieux que l’on puisse faire. Mais on ne sait pas encore dans quel univers on va plonger avec ce prochain projet. On a respecté la vision d’H24 : proposer plusieurs choses différentes. Mais avec Zombie Life qui arrive, on a vraiment prévu de plonger dans une ambiance particulière.
On arrive comme un souffle nouveau grâce à Stromae, qui a ouvert pas mal de portes.
Villa Schweppes : Projet qui sera composé de combien de morceaux, qui ressemblera à quoi, si tu peux nous le décrire.
Hamza : Ce qui est certain, c’est qu’il y en aura beaucoup moins que dans H24. Ce sera plus concentré, plus lourd. Dessus, je parle beaucoup aux femmes ; ce sera aussi très dansant, très club. Son nom vient du fait qu’on vive la nuit en fait, on est des putain de zombies. La musique que je fais colle aussi au monde de la nuit.
Villa Schweppes : D’ailleurs, il me semble que tu as diversifié tes producteurs : on t’a vu aux côtés de Brodinski, ou encore de Myth Syzer récemment. Ils seront sur ce projet d’une manière ou d’une autre ?
Hamza : Pas directement non. Myth Syzer, on a bossé ensemble, mais on ne sait pas encore quand sortir ça. Avec Brodinski aussi, on a taffé des tracks, mais pas pour ce projet. On ne voulait pas trop partir dans un quelque chose qui ressemblerait à un catalogue de producteurs différents. Sur la totalité du projet, seuls 4 morceaux viennent d’autres producteurs que moi (Ikaz Boy, High Classified du Canada, Ponko). Le reste, c’est moi.
Villa Schweppes : Les réseaux sociaux, et par dessus tout l’utilisation que tu en fais sont très importants pour les jeunes artistes. J’imagine que tu ne pourrais plus te passer de ça aujourd’hui, d’autant plus que pour l’instant tu es encore en indépendant.
Hamza : C’est essentiel ! D’autant plus que j’ai grandi avec ça ! Internet est le plus gros média, c’est par là que tout passe. Tu es obligé… Quand tu regardes les artistes qui restent inactifs ne serait-ce que deux ou trois mois sur les réseaux sociaux, tu es mort. C’est là qu’est la jeunesse et il faut cotinuer à lui parler à cette jeunesse. Qui n’a pas de smartphone ?
Villa Schweppes : Tu ne trouves pas ça épuisant ?
Hamza : Non, c’est naturel, j’ai 21 ans, je baigne là-dedans.
Villa Schweppes : Tu es habitué à tout ce qui est viral donc, mais quelle a été ta réaction quand tu as vu que Virgil Abloh (bras droit de Kanye West, ndlr) avait joué “La Sauce” lors de sa dernière venue à Paris. Vous-êtes en contact ?
Hamza : Je n’avais même pas vu ça en direct, on m’en a parlé après en fait. Je crois qu’on m’a taggué sur la vidéo. Ca fait plaisir, tout simplement. On lui a parlé de moi, on a connecté ensuite via Twitter et on reste en contact depuis. Il apprécie mon travail et moi, le sien. Je crois qu’il vient bientôt en Belgique, on se verra à ce moment là.
Villa Schweppes : Mais ton dernier morceau en date, c’est ”Hola Que Pasa”. Tu peux nous en parler ? Il va figurer sur Zombie Life ?
Hamza : C’est un morceau que j’ai fait et qui devait à la base figurer sur Zombie Life. Finalement, on a changé de direction, on l’a utilisé juste pour continuer sur notre lancée. C’est un inédit qui ne figurera sur aucun projet.
A nous d’essayer de faire les choses bien pour figurer sur cette putain de carte !
Villa Schweppes : Depuis quelques années, on assiste à l’évolution de la scène bruxelloise. Avant Stromae, rares étaient celles et ceux qui s’intéressaient à la musique belge, mise à part son électro…
Hamza : On arrive effectivement comme un souffle nouveau. En grande partie grâce à Stromae, qui a ouvert pas mal de portes. Après son arrivée, les gens ont tourné le regard vers la Belgique, se sont demandé ce qu’il se passait car ce qu’il a fait est énorme. Après, ce n’est pas du hip hop ce que fait Stromae, même s’il en a fait avant et qu’on ressent encore cette influence dans sa musique. Mais pour en revenir à Bruxelles, c’est vrai qu’il y a une vraie jeunesse qui commence à faire des choses intéressantes. C’est appréciable.
Villa Schweppes : Il y a pas mal d’opportunisme de la part d’un certain public et des médias aussi…
Hamza : Oui et non. Parfois je me dis que je les comprends. On est dans un échange… Le média en question, dans une interview, il se sert de ton image et de ton audience. C’est une question de visibilité. Je peux comprendre que certains médias occultent certaines choses ou artistes. Ce que je trouve débile par contre, c’est que les médias belge s’interessent aux artistes de chez nous qu’une fois que la France s’y est intéressée… C’est stupide. C’est un espèce de réseau fermé de copains.
Villa Schweppes : Ca nous fait penser à l’interview qu’on a vue de toi sur une chaîne belge, qui souligne bien que tu as du succès en France, comme pour te donner une crédibilité…
Hamza : Les gens suivent beaucoup le mouvement, c’est comme partout. Les médias spécialisés jouent un rôle très important là-dedans. Tout le monde n’est pas forcément très pointu musicalement. C’est pour ça que c’est important pour un artiste qui veut vendre, de plaire à un public pointu. On a beaucoup tourné à l’étranger sans vraie structure, ça interpelle aussi les gens, c’est un travail de fond qui petit à petit, avec l’aide de certaines publications, a porté ses fruits.
Villa Schweppes : Aujourd’hui on te voit comme l’un des portes-drapeaux du rap belge, avec Damso. Vous êtes connectés ?
Hamza : Tu peux ajouter Jones Cruipy à la liste. Il est très chaud. Pour répondre à ta question, oui. On se connaît tous. Bruxelles c’est petit. On a prévu de faire des trucs ensemble… C’est comme ça qu’on créera un vrai game de toute façon.

Hamza : “On doit faire les choses bien pour figurer sur cette putain de carte”.
Villa Schweppes : On souligne souvent les similitudes culturelles qu’à la Belgique avec la France, mais il y a aussi des différences, qui font que la Belgique a une identité à part entière.
Hamza : Oui, on peut commencer par exemple par le fait que la Belgique soit un pays multilingue. Beaucoup sont néerlandophones, beaucoup sont aussi francophones. Ce mélange fait qu’on a quelque chose qui au final est très anglo-saxon. On se sent proches de cette culture.
Villa Schweppes : Et pour le coup, ça ne t’ai jamais venu à l’esprit de rapper en flamand, toi qui est néerlandophone ?
Hamza : (rires) non jamais ! Le truc c’est que tu ne parles pas à assez de monde en fait : il y a la Belgique, la Hollande et allez, une partie de l’Afrique du Sud… mais c’est tout.
Villa Schweppes : On voit Toronto comme une espéce d’antichambre de la musique américaine, là où se concentrent beaucoup de talents. En est-il de même pour Bruxelles et l’Europe ?
Hamza : On verra ! Beaucoup disent ça, c’est flatteur. A nous d’essayer de faire les choses bien pour figurer sur cette putain de carte. Artistiquement, c’est déjà le cas, après, il faut que le reste suive : les labels etc… On est un peu victime d’une certaine logique implacable, qui fait qu’on est parfois limités. En tout cas artistiquement, quelque chose se passe, c’est indéniable et pas que dans le rap.

Hamza : “On doit faire les choses bien pour figurer sur cette putain de carte.”