Skip to content

Grand Corps Malade : “Je me sens chroniqueur de petites choses”

A l’occasion de la sortie de son dernier album Funambule, Grand Corps Malade est le rédacteur en chef invité de villaschweppes.com

VS : Que signifie le titre de votre album ?

Grand Corps Malade : Funambule reprend un des titres de l’album. L’idée c’est qu’on est toujours à la recherche de l’équilibre. Je parle de plusieurs types d’équilibres : la nature est faite d’équilibre, ” il faut de la pluie et du soleil pour que la fleur puisse s’épanouir, il faut de l’exception dans la règle pour que la vie ait plus de goût, il faut de la force et de l’adresse pour que l’enfant se mette debout “. Donc d’une manière générale il faut de l’équilibre. Mais je parle aussi de ma recherche d’équilibre dans ce milieu : je viens d’un milieu plutôt populaire, et aujourd’hui je dis ” je côtoie la dèche et l’opulence “, entre bitume et tapis rouge ! Je cherche mon équilibre dans ce milieu où au delà des paillettes, des télés, des belles tournées qui marchent bien, moi j’ai besoin d’aller voir ce qu’il se passe de l’autre côté, dans la vraie vie des vrais gens. Et puis un funambule avec une béquille c’est assez original.

VS : Vous faites toujours de l’humour sur votre condition…

GCM : Pas que sur ma condition, sur tout ! N’importe quelle situation, si dramatique soit-elle, mérite toujours de prendre un peu de distance. Ça aide à vivre, à survivre, à voir les choses de manière objective, j’essaie toujours d’éviter le premier degré à tout prix.

VS : Votre album est un voyage dans les musiques, entre folk, électro, rythmes orientaux etc. Pourquoi ?

GCM : Ma volonté est que sur 12 ou 13 titres on ne reste pas 12/13 fois sur la même humeur. J’ai besoin que l’on passe d’un truc un peu grave à un truc très triste, puis à quelque chose de très léger et drôle. J’aime bien me balader. Au niveau des thèmes, j’oscille entre des thèmes personnels immédiatement suivis d’un texte ouvert sur le monde. Du coup j’ai besoin que les musiques suivent cette rythmique… Pour cet album je me suis appuyé comme jamais sur une tierce personne, et c’est la première fois que je confie les clés de la musique à quelqu’un : Ibrahim Maalouf, qui n’est pas loin d’être un génie et je pèse mes mots. Il est jazzman, trompettiste et je l’ai rencontré un soir autour d’une création d’Oxmo Pucino. Juste pour un soir il avait écrit les partitions et il dirigeait un orchestre symphonique qui parfois sonnait hip hop. C’était un truc de fou. Je savais qu’il pouvait faire de la musique au service d’un texte donc je lui ai demandé de faire du sur-mesure et de jouer ce jeu de la variété avec certains morceaux assez rythmés, limite hip hop. C’est la première fois que je fais vraiment des beats de programmation électronique dans un album, d’habitude tout était accoustique. Mais là j’avais la volonté d’avoir des sons un peu plus musclés, avec à côté de ça une ligne de trompette un peu moyen-orientalisante, un ou deux morceaux un peu plus funk. Après certains diront que ça manque d’homogénéité, mais je recherche l’éclectisme au niveau des ambiances. Le fil rouge c’est ma voix, ce sont les mots, ma manière d’écrire.

VS : Il y a un habillage sonore.

GCM : Avec Ibrahim, on aime bien parler de bande originale : moi j’écris des textes, c’est une histoire, c’est des images et la musique vient comme une bande originale de film se poser sur ces images.

VS : Ibrahim a travaillé avec beaucoup d’artistes !

GCM : oui c’est un grand artiste qui fait des tournées internationales. Sa renomée est mondiale et surtout il a une particularité inventée par son père, sa trompette possède un quatrième piston. On ne peut pas faire de quart de ton avec une trompette, comme avec un piano d’ailleurs. Le père d’Ibrahim Maalouf a rajouté un piston sur sa trompette pour faire ces quarts de tons ce qui permet à Ibrahim de faire des musiques un peu orientales.

Il sort cette semaine son cinquième album solo. Avec moi c’était la première fois qu’il réalisait un album de A à Z pour quelqu’un d’autre et il se l’est approprié, il a bossé dessus comme si c’était le sien.

VS : Combien de temps avez-vous mis pour créer cet album ?

GCM : J’ai écrit les textes sur ces deux dernières années, pendant ma tournée. Là ça fait deux mois que je n’ai rien écrit, j’attends la sortie de l’album pour passer à d’autres histoires. Mais j’écris tout le temps, et pour les autres aussi : Zaz, Idir un chanteur kabyle, et même Céline Dion sur son dernier album en français. A priori plus c’est loin de moi, plus ça m’intéresse : Céline Dion c’est le grand écart absolu !

VS : Vous quittez AZ pour Believe, pourquoi ?

GCM : Je devais trois contrats à AZ que j’ai livré mais ce sont surtout les changements au sein de la maison de disques qui ont appuyé ce choix : Valery Zeitoun s’est fait virer, mon chef de projet a changé de label, du coup c’était l’occasion pour nous de changer d’équipe. Quand je dis ‘nous’, je parle de mon producteur indépendant et moi car nous n’étions que distribué par AZ. On est allés voir un label indépendant, et Believe a été super, avec une belle équipe de jeunes. Believe est un distributeur digital qui fonctionne très bien donc ils ont décidé de lancer leur label pour produire des artistes, et on est quelques-uns comme Youssoupha, Moriarty. Et le fait de sortir d’une multi-nationale, un major, me va plutôt bien.

VS : Quels sont vos grands thèmes ?

GCM : C’est la vie de tous les jours. Je me sens un peu chroniqueur de petites choses. Ça va de ce que je vois à la télé qui engendre un texte politisé (‘Course contre la Honte’, mon duo avec Richard Bohringer qui parle de notre monde malade) à une petite chose comme d’amener mon gamin au manège et j’écris une métaphore sur le temps qui passe trop vite et à chaque tour de manège il a pris quelques centimètres. J’aime écrire sur des toutes petites choses. On parle tous des mêmes thèmes, ce qui est intéressant c’est l’angle d’attaque, la porte par laquelle tu rentres.

VS : Le fait d’être papa a-t-il changé votre façon de travailler ?

GCM : Un petit peu, je suis obligé de m’organiser ! J’ai des créneaux un peu plus imposés : quand un chanteur me demande de lui écrire un texte, je regarde mon emploi du temps et les deux-trois heures de libre et avoir l’inspiration à ce moment précis !

VS : Comment écrivez-vous ?

GCM : J’écris partout : dans un train, la nuit… Je ne me mets jamais devant une feuille en me disant, ” bon aller de quoi je vais parler “. Je réfléchis à un thème, le laisse mûrir, et dès que je sais comment l’attaquer j’y vais. Après ça prend un ou deux jours : j’écris pendant deux heures et le lendemain je peaufine et je finis. Souvent c’est rapide et je ne reviens pas vraiment dessus sauf après une lecture à haute voix où je décèle des problèmes de rythme. Là je peux changer un mot ou deux, enlever un pied.

VS : C’est jubilatoire de jouer avec les mots ?

GCM : Oui et c’est ma chance. Je kiffe tout le long de processus, très loin de certains écrivains qui parlent de l’acte de souffrance que peut représenter l’écriture. Je ne ressens pas de douleur, pour moi c’est un jeu.

VS : On entend peu parler de slam…

GCM : Ce qui marche bien c’est l’atelier slam dans les écoles, les prisons : la grande force du slam c’est son accessibilité. Chanter ou rapper c’est plus compliqué que slamer : si tu veux slamer demain, il te suffit de trouver un lieu en tapant sur internet. Tu seras très bien reçu, le slam est fait pour se renouveler. J’ai animé des centaines de scènes ouvertes, c’était toujours un moment important de présenter un artiste qui slamait pour la première fois. J’ai été confronté au slam grâce à un de mes amis en 2003 qui faisait un documentaire sur les écritures urbaines, le graff, le rap, le slam. Un jour il a perdu un pari et devait slammer. Je l’ai accompagné et je me suis pris une claque.

VS : Quand on vous écoute, ça bouleverse…

GCM : Le mot slam a plusieurs sens. A la base c’est ‘to slam’ comme claquer une porte, comme claquer des mots. C’est aussi mettre une claque à l’auditoire : le faire rire autant que lui donner une émotion.

VS : Feriez-vous du rap ?

GCM : Mon écriture peut s’adapter au rap, j’écris en vers à quatre temps. D’autres slameurs sont par contre à des kilomètres du hip hop. Si je slame un de mes textes sur un beat rapide, oui ça ressemblera à du rap. Les Anglosaxons appellent ça du ‘spoken word’… Mais bon peu importe. Ce que je fais c’est un projet musical. Tout ça m’est égal en fait !

VS : Que pensez-vous de Fauve ?

GCM : J’aime bien même si je connais peu. C’est fort, ils ont une réelle signature : c’est génial de reconnaître une pâte, une identité dès les premiers sons. Ils y arrivent sur une musique très rock avec un flow rapide, urgent, qui met la pression, c’est fort.

VS : Que pensez-vous de cette citation de Victor Hugo, “Les mots sont les passants mystérieux de l’âme” ?

GCM : Les mots m’ont permis de dire des choses que je ne disais pas. Je suis pudique par rapport à mes sentiments, mon accident, mes états d’âme. J’ai été capable de lâcher des trucs assez perso via l’écriture. Je me protège derrière la rime, je porte une cape.

VS : Pouvez-vous réagir à ce mot : Basket.

GCM : C’est ma grande passion. J’en ai fait et j’aspirais à avoir un haut niveau puisque j’étais en Nationale 3 à l’âge de 19 ans. J’ai eu mon accident en 1997 et ça fait 16 ans que je n’ai pas vraiment fait de sport, pourtant dans ma tête je me sens plus sportif qu’artiste. Aujourd’hui j’ai l’occasion de rencontrer des artistes merveilleux pour lesquels j’ai un grand respect, mais c’est quand je rencontre un sportif que j’ai mes yeux d’enfant. J’ai rencontré Michael Jordan un jour et je lui ai dit dans mon anglais presque impeccable : ” tu sais en France comme dans le monde, tout le monde t’aime, mais personne ne t’aime comme moi “. ça l’a fait rire ! C’est mon idole. Je suis aussi très ami avec Tony Parker donc je suis la NBA.

VS : Vivez-vous en banlieue ?

GCM : J’ai vécu toute ma vie à Saint-Denis mais j’ai déménagé dans le quartier de la Gare de l’Est il y a trois mois ! Je suis un Parisien mais je passe beaucoup de temps à Saint-Denis, c’est ma ville. Je suis content de vivre ‘intramuros’ de voir ce que c’est : au début j’avais l’impression d’être en vacances… Je suis un immigré ! Mais c’est sympa ce quartier près du Canal Saint-Martin, ils sont malins ces Bobos de s’installer dans des coins sympas comme ça (rires)…

VS : Patients ?

GCM : Encore un jeu de mots entre le patient de l’hôpital et sa patience. C’était une expérience d’écrire en prose pour moi. J’ai écrit ce livre 15 ans après mon accident et je voulais parler de cette année en rééducation, une aventure collective dans un centre spécialisé. C’est un livre que j’ai voulu drôle même si le contexte est hyper trash.

L’album Funambule de Grand Corps Malade est disponible depuis le 28 Octobre.

Grand Corps Malade est rédacteur en chef de Villaschweppes.com du 11 au 17 Novembre !

Derniers articles Événements

Événements

6 nuits de fête avec Villa Schweppes au Festival de l’Alpe d’Huez

Événements

Alpe d’Huez 2023 : vivez l’énergie du festival avec La Ride

Lieux

Notre sélection de bars à cocktails où passer Halloween à Paris

Schweppes Tonic Original

Iconic Tonic Tour : célébrons à nouveau la fête cet été

Les Plus Lus

Événements

Calvi On The Rocks 2015 : ça démarre fort !

Festival de Cannes

Céline Tran, la dernière recrue de Tête d’Affiche
Grand Corps Malade

Dresscode

Calvi On The Rocks : les meilleurs looks !

Festival de Cannes

Céline Tran nous dit tout sur ses nouveaux projets

Lieux

Paris : Les 10 rooftops du moment

Lieux

Le Silencio, le club le plus fermé de Paris

Les plusPartagés

Portraits

Booba, poids lourd du rap

Événements

Un festival de Saint-Malo booke les L5, Larusso, Tragédie…

Lieux

Paris : Les 10 rooftops du moment

Événements

Super Beton : une soirée électro dans une base sous-marine à Bordeaux

Événements

Dour fera de l’ombre à tous les autres festivals cette année

Événements

Les 10 meilleurs festivals européens selon The Guardian