Grand Blanc a décidé qu’il serait le groupe le plus dark de chez Entreprise. Leur EP sonne wave et très abordable. Ces Messins s’apprêtent à tenter la conquête de France.
L’annonce de la signature de Grand Blanc sur Entreprise avait quelque chose de réjouissant. Moins imparables que Moodoïd, aux antipodes des confettis cyniques de Julia Jean Baptiste, nettement plus sombres et alambiqués que Superets, les quatre messins n’avaient pas grand chose à y faire. Pourtant, leur présence au catalogue signifie un entourage professionnel solide, prêt à porter leur musique au plus grand nombre.
Ambiance de l’Est
Il faut croire qu’il y a à Metz un air pollué datant de l’époque industrielle qui transforme les jeunes gens frétillants en corbeaux désabusés. Grand Blanc porte l’héritage d’une longue lignée de grands groupes noise et tristes qui n’ont que faire de jouer une pop qui plaira aux mamans.
D’abord, les membres de la Grande Triple Alliance de l’Est ont fait leur office dès les années 2000, détruisant absolument toute possibilité d’une pop fleurie : les prodigieux Zad Coquart, Delacave, Scorpion Violente ou encore Feeling of Love se sont occupés du territoire pour s’assurer qu’aucune musique un tant soit peu sucrée ne puisse éclore entre Strasbourg, Nancy et Metz.
Le dernier venu de cette alliance vertueuse est venu récemment parachever leur oeuvre : le plus crasseux, le plus dur, le plus radical d’entre eux fait un genre de chanson-cadavre. Noir Boy George est aujourd’hui la figure la plus explicite de cette ambiance de l’Est. Comment, alors, a pu émergé un groupe pop – doucement, hein – comme Grand Blanc au milieu de cette apocalypse sonique ?
Terroir et âpreté
Il semble qu’il y ait eu deux facteurs. D’abord, un premier, générationnel : Grand Blanc ont une dizaine d’années de moins que ces aînés charismatique et n’ont donc pas pris cette vague de petrole de plein fouet. Ensuite, les membres du groupes se sont rencontrés en arrivant à Paris pour leurs études. Le groupe est donc né dans la capitale, loin du regard pesant de leurs ayatollahs bruitistes d’aînés.
Plus proche de Blind Digital Citizen – dont le batteur joue sur l’EP fraîchement sorti – et de Bagarre que de Plastobeton, ces jeunes gens ont vraiment le cul entre deux chaises. Trop durs pour ” les familles “, trop doux pour ” l’indie “, trop propret pour les ” goths “, il faudra qu’ils travaillent sur le mode de la conquête pour réussir à survivre à long terme.
Leur musique, en effet, en vaut la peine. Même si elle est victime de la production bain de gras d’Adrien Pallot aux studios du label, elle réinvente l’atmosphère de la musique wave, ni new – pas assez arty – ni cold – trop sympa – ni synth – pas assez référencée. On sent la résurgence du terroir dans l’appétit pour l’âpreté, mais aussi le sens très parisien du catchy.
Il leur faudra tourner beaucoup, travailler à long terme pour s’imposer, mais ce premier EP force le respect. Ils nous rappellent volontiers Mustang, entre musique spécialisée et velléités grand public. C’est justement ce grand écart qui les rend si passionnants et qui fait que les militants fervent des scènes indies devrait leur accorder une oreille quand le grand public lui, devrait passer outre la barrière sonore pour s’immerger dans ces morceaux.