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Gonzaï Records : de la culture freak aux bacs à disques

Le magazine emblématique des cultures freaks et souterraines a décidé d’envahir les bacs à disques. Ni une ni deux, on est allé leur demander comment ils allaient aborder l’exercice.

Dans un article publié en 2012 à l’occasion des cinq ans du site, Gonzaï se résumait lui même avec justesse : “redistribuer les cartes, punir les menteurs et sauver les martyrs”. En sept longues années, Bester et Thomas Florin ont mis sur pied une entité hors norme : un site de musique pointu, racé et libre de toute contrainte intellectuelle, un magazine papier sur la contre-culture et les grands freaks et, aujourd’hui, un label.

Prendre du temps pour parler avec les fondateurs de Gonzaï ouvre sur des discussions passionnantes et interminables – et interminées – sur la musique et la presse aujourd’hui. La seconde, ils ont su la ré-inventer, d’abord en prouvant le succès de papiers musicaux à rallonge sur internet, ensuite en dégageant tous les intermédiaires entre eux et leur lectorat pour faire émerger un magazine papier en vente directe.

En tant qu’objet rock légitime, il était presque logique que Gonzaï finisse par se lancer dans la fabrication de disques. “J’avais envie de monter un label de ré-édition depuis quelques années” explique Thomas Florin. Bester, lui, profite de l’occasion pour satisfaire son obsession pour la musique française actuelle :

Je trouve que depuis 10 ans, il y une scène bouillonnante. L’Angleterre, je n’en ai rien à branler, l’Allemagne, il ne s’y passe plus rien, les Etats-Unis c’est loin, c’est mort.
C’est le label belge Freaksville qui va permettre aux deux larrons de mener leurs projets à bien : en investissant sur un label Gonzaï, cette connaissance de longue date va adhérer à leurs idées et les aider à fonder leurs séries respectives, ” Not for Sale ” pour la musique d’aujourd’hui, “Feedback” pour les ré-éditions.

Gonzaï Worldwide Corporation

“Il faut comprendre comment fonctionne Gonzaï. Par exemple, sur le magazine, on est trois à le gérer, et ensuite, il y a la vie de rédaction. Le final cut, c’est nous qui l’avons. Il se passe exactement la même choses sur le label. Ils nous suggèrent de bonnes choses, auxquelles on va réfléchir, c’est évident”, explique Thomas Florin. Si le magazine compte ainsi une quarantaine de contributeurs, ce sont les têtes pensantes qui tranchent, sur le papier, sur le site et aujourd’hui dans les disques. Gonzaï restera donc Gonzaï, quel qu’en soit le support: “Il y a une vision à poursuivre”.

 

Ces disques, quels seront-ils, justement ? D’abord, “Feedback”, sous l’impulsion de Thomas, ressortira en vinyle le disque mythique de Marie et Les Garçons de 1980. Une décision qui s’est imposée comme une évidence : “La première ré-édition qu’on aurait aimé faire, c’était le Cubist Blues de Vega, Vaughn et Chilton. Il s’avère qu’il était déjà sur un autre label. Marie et les Garçons, c’était l’occasion pour nous de faire un disque français. C’est un disque qui a une influence majeure sur le rock d’aujourd’hui”. Pour eux, pas question de se spécialiser dans une chapelle : ils travaillent actuellement sur une liste de références très variées.

Des disques de jazz africains, de nombreux groupes français, des américains, de toutes les époques…

Du côté de la nouveauté, le “Not For Sale” mené par Bester proposera le quatrième album du groupe de Rouen Steeple Remove, muets depuis 6 ans. Il manquait un label pour les soutenir, Gonzaï s’est engagé pour faire le job : “L’idée de revoir un syndrome à la The Married Monk, ça me dégouttait. Pendant toute leur carrière, personne ne les a vraiment soutenu. Aujourd’hui, il y a un retour de hype genre ” Ah, c’était bien les Married Monk “. Ben c’est fini. L’idée de soutenir un groupe qui existe encore, je trouve ça super important. Vu la qualité du disque de Steeple Remove, il n’y avait pas à hésiter”.

Deux collections pour un même label, deux directions différentes : “Depuis le départ, Thomas et moi n’avons jamais eu la même ligne musicale. On se retrouve vraiment très rarement sur un disque. J’ai une fascination cheapo-futuristico-synthétique, pour résumer, quand il préfère vraiment le rock dur, la guitare électrique” explique Bester.

Indépendants d’eux-même

La cohérence avec le média ne sera pas un problème : “Je ne mélange pas tout et je ne marche pas à l’affect” explique-t-il quand on lui demande si on verra les groupes du labels dans les colonnes du magazine et en ouverture des soirées de la Maroquinerie. “Mon grand rêve, avec ce projet, ce serait de voir un disque Gonzaï se faire défoncer dans Gonzaï”. S’ils avouent saisir une “opportunité maline” en mêlant précommandes des disques et ré-abonnement au magazine papier sur la plateforme Ulule, ces deux garçons sont nettement plus stakhanovistes qu’opportunistes.

Mon grand rêve, avec ce projet, ce serait de voir un disque Gonzaï se faire défoncer dans Gonzaï

“Pour qu’un disque se vende, il faut que le groupe tourne. On pourra appeler le disquaire du coin, dire “on a notre groupe qui joue ce soir, venez les voir”. Ils pourront juger sur pièce et décider des disques qu’ils veulent prendre. C’est un travail local de longue haleine. Il faut que les disquaires aillent voir les groupes, soient au courant, parce qu’ils connaissent leur clientèle, ils savent à qui proposer quoi. Ce contact là, on doit le créer” explique Thomas Florin. Un savoir-faire qu’ils ont déjà obtenu en allant porter leur magazine dans les librairies indépendantes de France et de Navarre. Pour eux, c’est certain:

Acheter de la musique aujourd’hui, c’est du militantisme, il faut vraiment aimer ça. Il y a des gens qui aiment la musique dans chaque ville. Il faut aller les chercher

Comment infuser l’âme de Gonzaï dans des disques ? Les figures filoutes du magazine, le monde de la bidouille, cette Freak Culture ? “Être musicien, c’est être déjà hors norme. C’est vivre au RSA, tourner dans des tour bus de merde, boire des bières pas chères, dormir au dessus d’une salle de concert. C’est comme ça que ça se passe. A partir du moment où on travaille avec ces gens là, on est dans la continuité du magazine. On défend une certain underground. Ce n’est pas une plainte, au contraire : quand tu connais les règles du truc, tu ne peux pas t’en plaindre. Dans ce cas là, tu fermes ta gueule ou tu arrêtes.”

(Ré)Abonnez vous au magazine et précommandez les disques de Steeple Remove et Marie et les Garçons ici!