Skip to content

Fyfe, petit génie de la pop britannique

De passage à Paris, sa ville fétiche, nous avons rencontré Fyfe, Paul Dixon pour le nom civil.

Véritable artiste polyvalent, capable de sculpter sa voix comme un instrument de musique classique, Fyfe et son album Control nous embarquent dans un univers fait de textures, de souplesse, riche en influences diverses, du hip-hop à l’électro, pour arriver à une pop colorée, intense, vivante. Déjà adoré par London Grammar ou samplé par Sneazzy, Fyfe est l’artiste à écouter sans modération.

Villa Schweppes : Tu t’appelles Paul Dixon et sur scène, c’est Fyfe. Est-ce que tu fais comme David Bowie quelque part, tu arrives à créer un personnage pour mieux t’exprimer ?

Je suis un ” workalcoholic ” malheureusement ! (Rires).

Fyfe : Je crois que c’est un peu différent car je ne vois pas Fyfe comme un personnage mais plutôt comme un projet. Après, ça doit fonctionner de la même manière, je dois me sentir libre, créatif et capable de faire tout ce que je désire faire. Mais je n’ai pas créé de personne autour de ce nom, Fyfe. C’est la même chose pour David’s Lyre que j’avais créé avant Fyfe, c’était un autre projet. Ça m’aide car d’une certaine manière, on ne me voit plus comme une personne mais comme une musique, des sons et ça laisse un degré de séparation entre ma personne et ma musique. J’ai envie que les gens aiment l’album et non moi en tant que personne, dans un magazine, en train de poser.

Tu as 25 ans, tu vis à Londres, que fais-tu quand tu ne travailles pas ?

Fyfe : Je suis un ” workalcoholic ” malheureusement ! (Rires). Je traîne beaucoup avec mes amis, à ‘West London’, j’adore marcher longuement. Je vis près d’un canal assez sympathique, je me balade là-bas. Je vois ma famille dès que je peux car je ne suis pas souvent à la maison. Comme je voyage pas mal, il vaut mieux sinon je ne les verrais jamais !

Comment est né Fyfe et en quoi ce projet est différent du précédent, David’s Lyre ? Quelle est son essence ?

Fyfe : Tout est parti d’une idée, la simplicité. Un retour aux sources, une envie d’aimer la musique à nouveau, non comme travail mais comme plaisir… On peut vite être déçu de la vie et je voulais revenir à quelque chose de simple, de naturel, d’entier. J’avais aussi envie d’un album avec de très bonnes musiques, avant même de parler de production, je voulais qu’elles soient directes, intenses. C’est un peu la différence entre Fyfe et David’s Lyre, c’est moins dans l’émotion ou le ressenti mais plus dans la simplicité, l’immédiateté. J’espère que le résultat qui se ressent est justement une logique entre toutes les chansons, un lien fort.

Comment as-tu travaillé cet album ? Tu aimes travailler en autodidacte apparemment…

Fyfe : Je travaille complètement seul. Mais je vais changer ça dans le futur, j’aimerais faire appel à des amis pour les voix, pour jouer du saxophone, ce genre de choses.

Et pourtant tu joues un maximum d’instruments, guitare, violon, piano et même trompette !

Je suis quelqu’un de très droit d’un côté, très rêveur de l’autre.

Fyfe : Alors la trompette, vraiment vraiment mal… J’ai grandi en jouant du violon pendant 15 ans mais je n’ai pas eu d’entraînement depuis longtemps. Je suis le dernier d’une famille de 4 enfants, mes parents voulaient que l’on joue tous d’un instrument pour s’ouvrir l’esprit, pour développer des compétences précises. Mais je détestais ça, pendant des années, j’étais nul… Jusqu’à ce que je découvre la guitare, ça m’a paru naturel, de chanter aussi, je n’ai jamais pris de cours. C’est agréable ce sentiment de liberté. Je faisais ça tranquillement en privé, dans ma chambre.

Avant Fyfe, Paul Dixon était un étudiant à Manchester. Comment es-tu arrivé à la musique, à en faire ton métier à part entière ?

Je pense aussi qu’il y a un lien entre les maths et la musique, un gros lien.

Fyfe : Je suis musicien à temps plein depuis que j’ai quitté l’université. J’aime vraiment les études, apprendre, ce n’était pas une mauvaise décision de faire des études d’économie. Je suis quelqu’un de très droit en un sens et d’un autre côté, je suis un rêveur. J’ai ce paradoxe et je voulais avoir toutes les options possibles pour ma vie. L’économie, c’était une manière de me rassurer sur l’avenir, je sais que la musique ce n’est pas un secteur évident, stable. Et j’aime tellement jouer, chanter. Je serais malheureux sans la musique… C’est pour cela que j’en faisais beaucoup à l’Université, c’est là-bas que j’ai été repéré d’ailleurs. Ça ne me déplairait pas d’y retourner ! Je pense aussi qu’il y a un lien entre les maths et la musique, un gros lien. C’est peut-être pour cela que j’aime les deux (Rires).

Le mot qui résume bien ton travail, c’est la texture. Et d’ailleurs, pour les photos et les clips de Control, tu as utilisé de la peinture sur ton visage, en grande quantité. Quel lien peut-on faire entre cette idée et la composition de ton album ?

Fyfe : Oui, c’est l’idée. Il y a quelques années, on m’avait peint le visage en blanc et j’avais adoré. J’avais envie de développer l’idée, d’aller plus loin. J’ai cherché partout sur internet des artistes qui pratiquaient cette méthode et la seule chose sur laquelle je suis tombé, ce sont des enfants avec des papillons sur le visage ou des ” Spiderman “. (Rires). Finalement, j’ai découvert une artiste, Sophie Derrick. Je vu son travail sur son propre visage, j’ai trouvé ça incroyable. Je lui ai écrit mais elle ne m’a jamais répondu alors je l’ai harcelé jusqu’à ce qu’elle me réponde. On s’est rencontrés, on a travaillé ensemble… C’était génial. Parfois c’est dur de collaborer entre musiciens et artistes mais là, c’était facile et abordable.

Musique, chant, peinture, es-tu un enfant de l’art ?

Fyfe : Je frustre un peu les gens avec qui je vais voir une exposition… Je passe parfois des heures devant une oeuvre ! (Rires). Ils me disent souvent ” Bon, on se voit au café quand tu auras fini… “. J’aime me connecter à certaines oeuvres, quelques unes. J’aimerais vraiment que les gens écoutent mon album comme un oeuvre d’art, pas forcément d’approcher tous les morceaux avec un sens derrière chaque musique mais plutôt qu’ils se l’approprient, en fonction de leurs humeurs, leurs journées. Ils font partie de l’album, il leur appartient. C’est un peu ce que je fais avec les albums que j’adore.

Avec quel artiste as-tu le même ressenti ? Qui t’inspire à ce point ?

Fyfe : Mes deux albums favoris sont The Misseducation of Lauryn Hill de Lauryn Hill et What’s going on ? de Marvin Gaye. Je ne suis pas un fan de Marvin Gaye mais cet album est incroyable. Lauryn Hill, c’est une femme fabuleuse et cet album, c’est une véritable oeuvre d’art. Ensemble, il y a un sens. Ce sont des histoires racontées, celui qui écoute le comprend comme il veut le comprendre, ça peut être le copain, l’amant ou Dieu, tout dépend de comment on se place face à ces histoires. C’est presque philosophique ! Pour Marvin Gaye, son père était prêtre, et lui, en chante avec une manière très sexuelle, sensuelle, c’est à double sens, c’est provoquant envers son père et en même temps, religieux… Tellement intéressant comme lecture !

Tu es aussi fan de rap, on se souvient d’un duo avec Sneazzy. Quels artistes as-tu écouté récemment ou découvert ?

Fyfe : Je ne savais pas à quoi m’attendre avec Sneazzy car je ne l’avais jamais rencontré. Je devais croire ce que les traducteurs m’ont dit, les paroles m’ont impressionné. (Rires). Je voulais quelque chose d’artistique, avec du sens, et de ce que j’ai lu, c’était top. J’aime aussi les Daft Punk en électro, on danse sur leurs sons, ça me donne envie de me lever, de me réveiller. J’aime aussi Christine and the Queens, on m’a donné l’album et en l’écoutant, je n’y croyais pas. Elle est incroyable. Je ne comprends pas les paroles mais elles m’entraînent, elles me plaisent… Je ne l’ai jamais rencontré mais j’aimerais bien ! Récemment j’ai rencontré Benjamin Clementine, je pensais qu’il était Français vu son succès ici… Et en lui parlant lors d’une émission TV commune, on s’est parlés et j’ai découvert qu’il était… Anglais ! (Rires).

Que penses-tu de Paris ?

Pour un groupe étranger, venir à Paris c’est faire ses preuves.

Fyfe : J’adore Paris ! Je venais déjà ici petit. J’ai le sentiment d’être connecté à cette culture, à Paris. Heureusement que vous aimez ma musique comme ça je peux venir souvent ! J’essaie de convaincre ma femme de venir emménager ici… Ce qui m’impressionne, c’est que les conversations sont riches, n’importe qui peut parler de littérature, peinture, musique, tout est matière à un débat, ce n’est pas pareil à Londres. On se tait. Souvent pour un groupe étranger, venir à Paris c’est faire ses preuves. Le public est difficile. Mais à chaque fois que je suis venu, j’ai eu de belles surprises, j’ai été applaudi et c’est génial. J’étais terrifié avant de monter sur scène. Dès que ça se finissait, il y avait un silence. Puis des applaudissements et là je me suis dit, ouf…

Que fais-tu la nuit si tu ne dors pas ?

Fyfe : J’angoisse. Non je rigole. En fait, j’adore être seul, j’aime la solitude. J’essaie de ne pas travailler la nuit car je ne serais pas compétent. Je pense beaucoup. Je réfléchis à des choses perdues, parfois philosophiques, du style ” Pourquoi je suis ici ? “. (Rires). Ma musique ” Conversations ” parle un peu de ça, des discussions que l’on a, du fait que l’on ne peut rien contrôler, la vie se passe et on doit juste l’accepter.

Un mot de la fin en français ?

Fyfe : Bonne journée ! (Rires). Ou bonne soirée !