Skip to content

FKA twigs, diva de boudoir

Ce 11 août sort “LP1”, le premier album de Fka Twigs au nom aussi banal que son contenant est unique. Le r&b compte une nouvelle sirène de taille dans ses rangs.

Le r&b est resté si longtemps captif de ses propres codes, qu’il demeurait stérile dans son immobilisme. Tout semblait à faire quand une première vague du début des années 10 est venue vider le sac pour tout remettre à plat. Il s’appellent The Weeknd, Autre Ne Veut, How To Dress Well, inc. ou encore James Blake et Frank Ocean et ont modifié le genre dans son ADN chacun à leur manière. Digne héritière et figure de proue de la deuxième vague aux côtés de Banks ou Kelela, Tahliah Barnett, petit bout de femme à l’aura géante qui place depuis deux ans le curieux nom de FKA twigs sur pas mal de lèvres.

 

Diva de boudoir

Du r&b donc. Et puis pas du tout. Si l’espèce semble familière, sa sève à quant à elle un goût bien plus inédit. Et lorsque certains tentent de l’entraver dans les rangs de “l’alt-r&b”, Madame s’énerve :” “J’adore les sons gênants, les beats, les clics, les kakakakaka ! Je ne vois personne faire ça en ce moment. Il y a des sons lourds en dedans, les structures n’ont rien d’anodines, c’est incessant. C’est comme du punk, n**** l’alternative r&b !“. Le message est clair. Et il est légitime, l’Anglaise transcende sa discipline ; parler de r&b ici, c’est s’arrêter à la manière dont elle habille les beats de son lyrisme. Fka Twigs, c’est un monument de nuances, une diva de boudoir qui se distingue des sirènes du r&b par sa subtilité dans l’échelle des sentiments. Une échelle que l’on grimpe par son sommet dès l’entame avec “Préface”, où Barnett est son propre griot et s’annonce en passant le doigt sur le bord du cristal, donne la hauteur, affiche le limpide de sa voix. L’outil idéal pour créer une oeuvre puissante et vulnérable, à l’instar de son auteure, elle qui fût un temps danseuse (notamment dans le clip “Price Tags” de Jessie J) et qui écopa du surnom de twigs (branche en anglais) parce que ses os craquent à chaque mouvement, comme des branches malmenées par le vent. Un rapport au corps traversant tout ce LP1, dans sa sensualité, un lien particulier à la chair, fait de tendances auto destructrices et confondant le désir à la douleur.

 

Née le coeur brisée

Plus présent que sur ses deux EPs (parus aussi chez Young Turk) ce LP1 – dans ses titres comme dans ces clips attenants – insiste sur un rapport plastique très fort à sa musique. Sympathisante avant-garde, Barnett tisse un album tant guidé par sa propre boussole, qu’il semble se dévoiler à elle-même en composant. En résulte des constructions lourdes, opaques et marbrées sur lesquelles se posent ses chansons et s’évanouissent ses textes dans des soupirs. On y verrait Sade se rendre chez How To Dress Well voire même The Weeknd à la sortie d’une rehab avec cette tradition très britannique d’ajouter une crème anglaise de basses dans chaque titre. Ce n’est pas un hasard si des Clams Casino, Dev Hynes ou Paul Epworth avaient été annoncés à la production. “Je suis née le coeur brisé” aime-t-elle à confier. Barnett semble souffrir d’un spleen congénital, ciment d’un paquet de belles oeuvres mais conduisant souvent l’album à se conduire de manière erratique.

En somme, ce qui sépare cet album du grand album populaire est un manque de hook. LP1 ne se chante pas et ne contient aucun hit de la taille d’un “Papi Pacify”. Néanmoins si l’album n’imprime pas l’esprit, il l’habite pendant un moment.