Alors qu’ils enchaînent concerts aux Badaboum, Trash/Romance au Batofar et kermesse club avec d’autres camarades délurés, les promoteurs que sont les Fils de Venus ne s’épuisent pas depuis maintenant 5 ans.
Figures devenues incontournables de la vie nocturne queer à Paris, les Fils de Venus régalent mensuellement Paris de soirées libérées et libératrices aux line ups aussi éclectiques qu’inhabituels, plus liés à la presse américaine spécialisée qu’au cool franchouille du moment. On est allé rencontrer Olivia, la forte tête qui mène le crew.
Villa Schweppes : Commençons par le commencement. A quel moment est née l’idée du collectif ? Quel était le projet initial ?
Olivia Cristiani : L’idée du projet est née durant l’été 2011. On était ivres entre copains dans une maison de campagne. On s’est dit qu’on allait racheter un théâtre X de Pigalle qui s’appelait “le Cupidon” et qui était ultra kitsch, avec des néons, des petits chérubins roses et tout ça… Finalement, quand on est rentrés, ça avait déjà été racheté. C’est devenu un Monoprix. On est parti de cette idée, en réunissant les talents autour de nous. J’ai toujours écouté beaucoup de musique, le club est un endroit où je me sens bien. C’est vraiment un espace de liberté pour moi. Donc logiquement, on a commencé par faire des petits DJset dans des bars à Menilmontant, et puis ça a commencé à devenir des grosses fêtes qui dérapent, alors on s’est attaqués aux clubs.
A l’époque, en débarquant, aviez-vous la volonté d’apporter quelque chose en particulier ? Notamment sur la scène “queer” ?
On a d’abord commencé par répondre à des problématiques qui étaient celles qu’on rencontrait en temps que public : en tant que jeunes clubbers, on voulait des prix accessibles, une musique qui ressemble à celle de nos MP3s, c’est à dire avec tout dedans. On est d’une génération dans laquelle les groupes se revendiquent de choses ultra différentes. On voulait digérer ce truc et en faire des soirées. On n’avait jamais vu ça, en tout cas, jamais vu de soirées faites de cette manière. On est notamment des enfants de la Flash Cocotte. Aujourd’hui dans nos soirées, t’as à peu près autant de lesbiennes, de gays, d’hetero. On se retrouve avec des gens très ouverts. Et si du coup tu dragues, tu fais attention, t’essaie d’être un peu délicat et parfois, ouais, tu te prends un vent. C’est comme ça. (rires)
Aujourd’hui, l’offre revendiquée queer s’étend du mardi au dimanche à Paris. Tu peux y passer toutes tes nuits. Quelle vision as-tu de cette mégascène ?
C’est une scène pour laquelle j’ai énormément d’affection parce que c’est avec celle ci que je me suis sentie à l’aise en club. On dit que tout le monde passe son temps à se regarder à Paris. Je ne me suis jamais sentie aussi transparente qu’en club ! Quand il y a parfois 2000 personnes à la Machine, tu es libre, tu peux bien danser comme tu veux, tu bois ce que tu veux, personne ne s’occupe de ce que tu fais. Tu vis ta vie. Les House of Moda, c’est incroyable. La Sale, la première fois que j’y ai débarqué, c’était “what the fuck !”. On ne veut pas les copier, parce qu’en plus ça ne nous ressemble pas. Mais je revendique des programmations exigeantes, pointues mais pas vendues comme élitistes, avec l’ouverture que m’a offert la nuit queer à Paris.
Ce n’est pas notre boulot de faire les Fils de Venus
La scène queer est la première scène à devenir un peu “mainstream” sans être liée directement à un genre musical. Comment joues-tu justement avec ce truc là ?
Je pense qu’il est parfois un peu difficile d’avoir certains bookings justement : on est capables de faire un groupe de pop française, puis de la techno puis du rap en fin de soirée. Ça fait un peu flipper des fois, tes interlocuteurs ne voient pas toujours où tu veux en venir. On a la chance d’avoir réussi à capter un public ouvert et curieux, qui nous fait confiance. On a cette liberté là. Comme n’importe qui, je peux passer une journée entière à écouter le même morceau, d’un style particulier, puis passer à quelque chose de complètement différent. La soirée doit être à l’image de ton MP3. On ne s’enferme pas depuis quatre ans, on renouvelle notre public régulièrement…
Vous importez une musique qui prend assez mal en France : les choses affiliées à l’avant-garde électro “pop” façon juke, beat, “future-pop” etc… Quand vous conviez Abra à Paris, c’est un pari risqué…
J’ai pas envie de mettre en avant une scène en particulier. Mais je suis des magazines comme Fact ou Fader. J’aime l’idée de rechercher la musique. Quand on sait qu’on est les seuls à vouloir à Paris une nana comme Jlin, qui enchaîne les sold out partout ailleurs dans le monde, c’est très compliqué. Aucune salle ne nous a fait confiance pour un week-end. On a du batailler. On a du défendre cette envie musicale. On doit faire beaucoup de promo dans ce cas, ça nous tient à coeur. Et finalement, on remplit. Après, il faut se rendre compte qu’on ne fait pas d’argent avec ces concerts, ce n’est pas notre boulot de faire les Fils de Venus. Et heureusement, parce que ça doit rester des choses où on s’amuse.
D’ailleurs, c’est une nouvelle mutation du collectif : devenir promoteur de concert. Pourquoi ?
On évolue beaucoup avec Bagarre, qui est un groupe très proche de nous. A force de sortir à minuit et demi, on avait comme oublié les concerts. Finalement, on s’est dit qu’on pouvait faire des choses sur ce format, que les contraintes étaient différentes. On peut aujourd’hui se reposer sur cette dualité entre des choses très posées de 20 heures à minuit et la nuit où on se lâche. Ça nous permet donc de ne jamais nous censurer en terme de programmation.
Il y a un côté “laboratoire” dans les Fils de Venus : Alto Clark qui vient de signer sur Alpage, Bagarre sur Entreprise…
On a toujours ce truc de potes. Pour nous c’est logique d’essayer d’être un support aux groupes, et inversement. On apprend nous-même énormément de choses : organiser un concert, un club, faire venir un groupe étranger… Le résultat, si c’est chronophage, c’est qu’il n’y a pas une minute où on regrette d’avoir lancé le collectif.
Vous faites partie d’une génération qui succède, notamment, aux Flash Cocotte. Comment vous placez vous par rapport à ces institutions ?
Anne Claire, en faisant les Flash Cocotte a métamorphosé le clubbing gay à Paris. On ne pourrait pas faire Fils de Venus de cette manière si elle, et d’autres, n’avaient pas été là. Ils ont fait un travail d’ouverture d’esprit, de décloisonnement. Ils ont crée des possibles. On a quelque chose de plus doux, nous. On picole comme tout le monde, mais on est pas très trash. Après, je vois pas ça comme un défaut : les gens font ce qu’ils veulent dans nos soirées, et personne ne les jugera. On a ce côté “fête d’appart qui dérape”, avec nos personnalités dedans.