Girouette d’été. Alors qu’on avait jusqu’ici passé notre tour à propos de Feu! Chatterton, on est obligés de poser genoux à terre et de saluer leur dernière track, “La Malinche”.
On a été mis au courant très tôt de l’existence de Feu! Chatterton. A cette époque, le groupe jouait encore dans un Scop’Club un peu décrépi, désormais (re)devenu l’estimable Paris Paris : on a posé l’oreille sur “La Mort Dans La Pinède” et ça a été le début d’une longue inimitié musicale.
En effet, le morceau n’avait pas convaincu, la faute à un manque de solidité, d’aboutissement et de recherche qui laisse penser à la primauté du concept sur le résultat. Pour simplifier, en regardant le clip en question, on avait l’impression de regarder une bande de communicants en manque de sensations proposer un projet millimétré mais sans talent, conçu pour plaire à la presse : atmosphères et constructions jazz-poesie sur textures électro post-punk, option look ultra vintage. L’interprétation “hallucinée” laissait à désirer, la théâtralité sentait plus le pétard mouillé que la surprise explosive.
Le parcours malsain du “jeune talent”
En 2012, on passait donc notre tour. La suite nous a confirmé notre impression première : le groupe s’apprête à bouffer à tous les râteliers : ils furent de tous ces tremplins où les managers envoient leurs artistes draguer des “pros”, se faire promettre des ponts d’or avant de se briser les dents à l’heure de sortir quelque chose de concret. Un problème du système “jeune talent” que nous vous soumettions ici.
Le pire arrive enfin cette année. Alors que le groupe a réussi, entre autres à grands renforts d’attachés de presse compétents, à mettre une bonne partie du Paris qui écrit à ses pieds, que les labels à grosses subventions leur tournent autour, les voilà qui se lancent dans un EP en financement participatif. Rien n’est plus irritant qu’un groupe qui a les moyens de s’appuyer sur des structures solides mais préfère garder les mains libres pour mieux négocier plus tard des contrats juteux en s’appuyant sur l’argent de poche d’un following né à l’écoute d’un seul et unique morceau.
A de rares exceptions près, tous les groupes à avoir suivi ce genre de parcours depuis la fin des années 2000 se sont plantés. Alors on avait déjà commencé à préparer une nécrologie de carrière pour notre collection personnelle.
La Malinche
C’est alors que sort “La Malinche”.
A travers ce morceau, le groupe nous fait ravaler nos paroles médisantes en 4 minutes. Certes, durant ces deux années, des spécialistes se sont occupés de développer leur carrière, mais les musiciens ont aussi sacrément travaillé, pour réussir à mener à bien leurs ambitions d’hybridation complexe. En effet, les synthés sont brillants, l’interprétation, comme le texte, est de très haut niveau, les guitares et les rythmiques oscillent entre les répertoires avec une aisance déconcertante. Les arrangements sont d’une rare qualité.
“La Malinche” a le génie d’une composition de Laurent Bardainne (Poni Hoax), une puissance évocatrice rare et toutes les armes pour partir à l’assaut des masses. Ce nouveau clip les place haut dans la liste des artistes qui, comme Bagdad dans un autre registre, devraient passer sur MTV pour que le monde se porte mieux.
Mais ne nous y trompons pas : pour réellement s’imposer hors du carcan des éternels “projets en développement”, il faudra que le groupe cravache, pour ne plus sortir que des morceaux de cette qualité là. C’est tout le mal que l’on tolérerait d’eux. Car le parcours qu’ils ont choisi d’emprunter est bien plus périlleux que celui qu’aurait pris un groupe alternatif.