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DJ Marfox est le visage (portugais) d’un virage dans la dance

Loin du faste des clubs, dans les quartiers pauvres de Lisbonne une musique nouvelle, union du kuduro et de bass music, donne du sang frais à la club music. Ce mouvement n’a pas de nom mais un visage : DJ Marfox.

Loin des barrio alto et des pavés battus par les touristes et les pas titubants de la jeunesse grise, les ghettos de Lisbonne sont le berceau, des cendres du désastre économique encore fumant, d’une électronique au visage propre. C’est encore anonyme, certains le voient comme un kuduro portugais mais personne ne l’a encore suffisamment appréhendé pour le baptiser. Pour bien comprendre le genre naissant dont DJ Marfox est la figure de proue, il faut se pencher une minute sur le climat économique environnant. Le Portugal est le pays d’Europe de l’Ouest le plus dévasté économiquement (un PIB/habitant de 76), une fracture sociale énorme causée par un exode massif des populations jeunes laissant le pays sur deux jambes ne marchant plus à la même vitesse, divisé entre les très aisés et les plus démunies.

Cette musique vient de ces derniers, issus de l’immigration du pays, oubliés des classes sociales les plus basses et musiciens n’ayant autre formation qu’un sens inné du rythme. Son visage, DJ Marfox, tire le mouvement parce que plus aguerri, il est le premier à avoir bâti un label (Principe Discos) sur place et le premier à s’être exporté en signant sur un label étranger (Lit City Trax). Un précurseur qui, à l’âge de treize ans (il en a aujourd’hui 25), fondait un groupe, les DJs di Ghetto et qui douze ans plus tard emmène Lisbonne, et sa création nouvelle, avec lui hors de ses terres. Un coup d’accélérateur pour la création lisboète longtemps prisonnière de ses rues mélancoliques, de son héritage dilapidé du fado, et de l’activité touristique en quête de ce dernier.

Dans quel sens va ce vent nouveau ?

Celui d’un son cheap de softwares pirates, un son unique, point convergeant des musiques traditionnelles amenées dans le bagage des immigrants ? Des formes de musiques traditionnelles Africaines et d’Amérique du Sud comme les kuduro, semba, kizomba et tarraxinha (Angola), funaná (Cap Vert) ou batida (Brésil), dilués dans la ghetto-bass popularisée par des Diplo ou le grime (hip hop anglais). En gros, les nuits brulantes de Lisbonne côté quartier chaud. Une frénésie faite mélodie, mais trempée chez Marfox dans le grime, maintenant le producteur en bloc de givre de la scène locale.

Une vraie poudrière dont l’Internet est l’étincelle et – à ces minutes précises – dont l’explosion lente du mouvement touche de sa déflagration la ville, le pays, voire le monde (Marfox est invité en Août à jouer à NYC). Un monde où ce que vous créez le lundi, est unanimement adoré le mardi pour être délaissé en bloc le mercredi. Mais le genre étant une permanente mutation, ce que vous détesterez après-demain n’est que l’ancêtre de votre coup de coeur de la semaine prochaine.