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Dean de la Richardière : “J’aime que ma musique sonne intemporelle”

Interview de la jeune fille qui fait renaître la légende Ze Records (Marie et les Garçons, Suicide Romeo, Lizzy Mercier Descloux) et écoute du premier single, remixé par Pilooski.

Il y a quelques temps, Dean de la Richardière nous annonçait l’enregistrement d’un album sur le label Ze Records. Fascinée par l’heritage d’une maison qui a sorti quelques-uns des tous meilleurs disques des années 80, elle en devenait le fruit d’une renaissance inattendue. La jeune fille passe donc des platines au mic pour un disque de pop aux forts accents estivaux. Rencontre et première écoute de son single “Tecknofobia”, remixé par Pilooski.

Villa Schweppes : Tu ouvres la partie moderne du retour de Ze Records. Le poids de l’héritage d’un label comme celui-ci a-t-il pesé dans tes choix artistiques ?

Dean de la Richardière : C’est une grande fierté pour moi d’avoir signé chez Ze Records ! C’est un label qui a toujours été mythique à mes yeux et dont un grand nombre d’artistes font partie de mon univers musical et m’ont fortement inspiré. Je suis une grande fan de Kid Creole and the Coconuts, Cristina ou encore Lizzy Mercier Descloux, qui m’a particulièrement influencé. Je la considère comme une sorte de mère spirituelle dans la musique. Je me suis immédiatement sentie appartenir a cette “famille musicale” qu’est Ze records. Il en va de même pour toute la scène du légendaire Compass Point studio de Nassau aux Bahamas qui a vu défiler Grace Jones, les Talking Heads, Tom Tom Club, Les B 52’s, Gwen Guthrie, Black Uhuru et tant d’autres.

Mes goûts et racines ne varient pas d’une discipline à l’autre

Comment s’est passée la signature ?

Quand j’ai contacté Michel Esteban, le fondateur de Ze Records pour lui demander des infos sur Lizzy Mercier Descloux et Wally Badarou, clavier du Compass Point All Stars, avec qui il avait travaillé sur l’album Mambo Nassau, le courant est tout de suite passé. Au fil des discussions, Michel Esteban m’a proposé de lui envoyer mes démos. En les écoutant, il était excité par mes compos et a senti cette filiation improbable mais réelle avec le son Ze records. Ça a été un pure enchantement pour moi de l’entendre me proposer de rejoindre son catalogue d’artistes cultes et de ré-ouvrir le label pour produire mon premier album ! Ça a été pour moi comme un rêve devenu réalité, car c’est le label, avec le Island Record de la bonne époque, dont je me sentais le plus proche artistiquement.

Comment relies-tu la musique que tu joues en DJ et ton EP ?

Le DJing est une activité nocturne mais paradoxalement j’exprime aussi bien à travers mes DJ sets que mes propres compositions une envie de lumière, de soleil, d’exotisme, de couleurs et de légèreté. C’est le DJing qui m’a emmené à la musique et à la composition ; et plus tard la composition qui m’a doté de nouvelles influences pour le DJing, mais dans un sens comme dans l’autre mon univers musical reste le même. Mes goûts et racines ne varient pas vraiment d’une discipline à l’autre bien qu’il m’arrive, bien sûr, d’être beaucoup plus electro en club, mais toujours avec cette même sève ensoleillée. J’ai la sensation que je pourrais aussi bien jouer ma propre musique en club, qu’avec des amis autours d’un cocktail tropical ou devant un coucher de soleil.

Les remixes sont une façon de faire vivre mes morceaux différemment

À quel moment t’es-tu décidée quant au fait de produire, de ne pas simplement te cantonner au DJing ? En avais-tu vu les limites ?

Ça s’est passé assez naturellement il y a 5 ans. J’ai ressenti le besoin profond d’aller plus loin dans la manière de m’exprimer à travers la musique. C’est vite devenu une évidence que j’avais trop longtemps mise de coté. Autodidacte, j’ai d’abord travaillé dans mon coin avant d’aller me confronter aux autres. Cette longue période de création, de recherche, de tâtonnements a été essentielle et très riche pour moi. D’abord elle m’a permis de m’épanouir totalement et a eu un effet très libérateur. Ensuite, elle m’a aidé à comprendre exactement ce que je voulais exprimer, pourquoi et comment.

Ton EP est riche de plusieurs remixes : c’était impossible de ne pas emmener ta musique dans le club ?

Quand j’écoute de la musique, j’aime qu’elle sonne intemporelle et qu’elle ne soit pas marquée par un type de production particulier, très daté, et c’est ce que j’ai voulu faire avec ma propre musique. Les remixes sont pour moi une nouvelle lecture des morceaux qui se prêtent en effet plus aux clubs en général. C’est une manière de faire vivre un morceau différemment. En tant que DJ, j’y suis évidemment très sensible et c’est un vrai plaisir d’avoir plusieurs visions d’un même track par des artistes différents et de créer des énergies nouvelles à partir d’une même compo.

Qu’est-ce que les musiciens Jamaïcains ont apporté au disque, dans quelle mesure sont-ils intervenus ?

On avait besoin d’un son roots pour créer un subtil mélange avec le coté electro français qui était déjà présent. La Jamaïque nous l’a apporté. Plutôt que d’enregistrer de manière traditionnelle en refaisant tout batterie, basse, guitare, etc, on a laissé les musiciens rentrer dans les morceaux pré-produits de façon a ce que ça ne devienne pas un disque purement Jamaïcain. Il ne fallait pas que ce pays très particulier ne s’empare de l’identité de l’album.

Le fait d’avoir sorti ce disque fait partie d’un rêve

Qui a fait quoi précisément ?

Sly Dunbar a donc fait toutes les batteries à la boite a rythme. C’était fascinant de le voir sortir tout son génie de sa drum machine. Il a eu une manière hyper moderne de traiter ça, avec des sons très produits et des snares et kicks dont lui seul a le secret. Non seulement il a des sons d’une force incroyable mais il est aussi le seul a les placer comme il le fait, toujours inattendu, sachant créer le groove de manière magique. Il est rentré très vite dans les morceaux, il avait une idée très précise de ce qu’il pouvait apporter, comment le faire sans dénaturer l’esprit, mais le renforcer tout en ajoutant sa patte de génie.

Glenn Browne le bassiste était très enjoué également, ça lui faisait très plaisir de jouer sur une musique sur laquel il a finalement peu l’occasion d’exercer. Avec son frère Dalton Browne il nous ont apporté la touche funky que nous n’avions pas.

Dean Fraser a donc dirigé les choeurs. C’était très important pour moi de donner cette teinte aux morceaux. Ces parties sont remplies de soleil et de fraîcheur et sont venues apporter une lumière nouvelle aux morceaux. Enfin John Kirby avec ses synthés a apporté une modernité internationale et une fantaisie bien spécifique.

À quoi rêve-t-on quand on sort un disque pop en 2016 ? Particulièrement quand on le sort sur Ze Records ?

Rien que le fait d’avoir fait ce disque est en soi une partie du rêve. On a vraiment tous pris un plaisir magique à le faire, et l’épisode jamaïcain a été un rêve éveillé sous de bonnes étoiles. Je rêve de faire découvrir cet album sur scène, car il s’y prête vraiment. Evidemment, je souhaite qu’il puisse toucher le plus grand nombre et que les fans de Ze aient plaisir a retrouver un son qui pourra leur évoquer cette période fun, qui est plus ou moins révolue. Et qu’il puisse être une initiation pour d’autres à un nouvel univers musical encré dans son époque mais enregistré façon old school. “Old school//new school” aurait pu être le titre de l’album, j’espère que les gens se retrouveront autour de ça !

Ecoutez et téléchargez maintenant le remix de Tecknofobia par Pilooski.