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Brigitte, Saycet, Mr.Oizo… Le Rayon Frais du 17 novembre

Du velours, Abba augmenté, 37 minutes de noise, des oiseaux zinzins, des revenants et le dessous des machines : on a analysé les sorties de la semaine dans le Rayon Frais.

Brigitte, encore un blockbuster

Pourquoi la supérette s’agite ? Parce qu’après un succès relativement ahurissant, le duo Brigitte propose un nouvel album qu’elles annoncent nettement plus maîtrisé et affirmé. Elle seront, sachez-le, nos rédactrices en chef invitées ce week end. Le premier disque est déjà dans toutes les chaumières, qu’en sera-t-il du second ?

On s’en relève la nuit ? Oui, surtout si vous aimez le disco. Parce qu’Abba, quoi qu’on puisse en dire, renait en français dans cet album. Grooves désuets, boule disco qui ne tourne plus depuis les 70’s, échappées folk : très orchestré, cet album affirme l’esthétique lumineuse du groupe et lui offrira, c’est certain, une nouvelle grande conquête de l’hexagone. Du monde ? Allez savoir !

TV On The Radio, écran plat

C’est quoi ce bruit ? Un des acteurs de la gentrification de Brooklyn voit son esthétique connaître un essor inverse à l’immobilier du quartier : de plus en plus populaire sans que ne bouge le prix au mètre carré.

On s’en relève la nuit ? Difficile à dire. D’un côté on retrouve dans toutes leur envergure deux personnalités importantes de l’esthétique des 00’s. Tunde Adebimpe et Dave Sitek traversent toujours les avant-gardes mi-XXème, hantés par les fantômes de l’Afrique et l’Asie, portés par la force des choeurs d’hommes. La matière reste épaisse, riche et ciselée. Mais si chaque titre du LP est une flèche en or, chacune rate sa cible. Ce Seeds est un nouveau cas de pop réalisée par (pour) ceux qui n’aiment pas la pop : extrêmement sophistiquées, lourdes d’ornements mais sans grandes mélodies ni hooks, (ici) le tout tartiné d’un lyrisme de salle de bain. Flotte dans les couloirs de l’album un parfum de rock FM post-grunge des 90’s (Could You ressemblerait même à du Foo Fighters) comme de la darkwave éclairée aux néons. Un vilain objet très bien fait.

 

M.Oizo lol de ses propres ailes

C’est quoi ce bruit ? Dupieux, novo-surréaliste grandiose du cinéma renfile son pantalon d’Oizo pour scarifier l’électronique chez Brainfeeder via un huitième album.

On s’en relève la nuit ? Oui. Tout en gardant à l’esprit qu’un album d’Oizo dépasse les cadres musicaux. Quiconque raconterait prendre du plaisir à un tel enfer d’escarpes, mentirait. On ne vous bassinera pas de mensonges d’expériences sensorielles, de recherches de nouveaux paysages, Oizo est un voyou Dada, un volatile moqueur et s’il pose une question c’est celle du rapport de l’auteur à son oeuvre ou du statut de l’oeuvre. Oizo réalise ses engins à quatre mains avec celles du hasard (de son propre aveux) et chez lui, l’Art se situe dans le process ou l’idée, se faisant autant farce qu’épreuve d’écriture automatique. Son déménagement d’Ed Banger vers Brainfeeder n’y changera rien – et n’a aucune autre implication qu’affective (les deux sont amis, FlyLo apparait systématiquement dans les films de Dupieux) – ce nouvel objet bouscule toujours tellement vos anticorps que vous devriez être immunisé contre la grippe. Une oeuvre qui ne se juge pas par la loi des Hommes et qui n’a aucun autre mérite que d’exister.

Saycet : une incarnation de la grâce

Pourquoi la supérette s’agite ? Saycet vous avait prouvé à travers la mixtape qu’il nous avait offert qu’il était d’un goût très sûr. Son EP Volcano était très attendu par ses nombreux fanatiques. Après deux disques qui fermaient la dernière décennie, voici dont le grand retour de cette électronicien fin et brillant dans la musique enregistrée.

On s’en relève la nuit ? Non : on s’endort avec, de la meilleure des manières. Volcano nous emmène dans des territoires propices aux rêveries à travers des compositions assez hors normes. Alors que Jon Hopkins se plante délicatement avec ses Asleep Versions (on ne note pas une grande adhésion des auditeurs, alors que c’est plutôt joli), Saycet fait de la tendresse son art, des textures millimétrées sa signature, de l’espace silencieux un passionnant terrain d’expression. C’est superbe.

Savages & Bo Ningen virent à l’ultra violence

Pourquoi la supérette s’agite ? D’une part parce que c’est la réunion de Savages et Bo Ningen, deux groupes phares du middlebrow mondial, et qu’on ne s’y attendait pas. Ensuite, parce qu’il s’agit d’une pièce live bruitiste de 37 minutes qu’on nous propose tel une pièce de galerie conceptuelle qu’on ne pourrait pas comprendre et qui, donc, mériterait la contemplation bénigne.

On s’en relève la nuit ? Oui, mais ne soyez pas dupe. Words to the Blind est un magnifique disque de musique math, indus, déstructurée et noise, qui, en cela, nous rappellerait presque nos excellents compatriotes Headwar. Pas une pièce concept assoupissante: un live intense, qui ne laisse clairement pas de marbre l’auditeur averti, avec un usage très intelligent des voix réverbérés, beaucoup d’engagement. Une grosse demi-heure ultra physique, cathartique et excessivement maîtrisée. La divine ascension des monts et vallées les plus violents du patrimoine musical occidental.

Et sinon, cette semaine, vous pouvez jeter une oreille à…

Johnny Hallyday, qui reste vivant, mais sans fulgurance particulière (pour ça, cliquez par là). Après, il y a des hommages au rock US, de la slide, ce genre de choses, qui pourrait justifier que vous y lachiez une petite oreille.

La B.O. du nouveau Hunger Games, dont nous vous avons déjà pas mal parlé, et qui est des plus réjouissantes pour le poptimiste. C’est pas Carpenter, c’est Lorde, deal with it.