À l’occasion de son concert ce soir à la Villa Schweppes à Cannes, notre service médico-légal prend à bras le corps le cas Tellier et examine organe après organe l’anatomie d’un album de Seb.
Ces derniers temps, Dame Fortune a fait que nous nous sommes assis un après-midi sous une tête de cerf empaillée aux côtés de Sébastien Tellier, à tailler une bavette dans le coeur de la bête. L’aupopsie est donc proposée à l’aide des propos de l’intéressé. Considérez ça comme un teaser de notre entretien à venir avec Monsieur Tellier.
De la B.O
“Pour moi, ces gens qui font de la musique purement instrumentale, ce sont les vrais amoureux de la musique. Quand on se lance dans la pop, en plus d’être amoureux de la musique, on est amoureux de la célébrité, du vedettariat. Pour François De Roubaix (grand compositeur, notamment de B.O, ndlr), la musique c’est toute sa vie, à tel point qu’il se met même en retrait vis-à-vis de sa musique. Je me suis construit en admirant ce genre de mecs-là“. De “La Ritournelle” à L’Aventura, en passant par son travail avec Oizo sur les films de Dupieux et même sa B.O pour Narco de (Gilles Lellouche), Tellier sait souligner les accents dramatiques des images comme en générer. Si l’on gratte, outre De Roubaix, chez Tellier on trouve du Georges Delerue dans le poignant comme du Michel Magne côté bricolage.
De la pop
“La pop, c’est sérieux parce que la pop c’est un format. C’est couplet-refrain, il y a plein de codes, mais c’est intéressant pour moi parce que ce sont des codes difficiles“. Si l’album précédent de Tellier s’appelait Confection, c’est que Monsieur a des talents d’orfèvre. C’est ainsi qu’il qualifie sa pop de “profonde et superficielle“, un jugement comme un cahier des charges l’amenant à aiguiser ses hameçons pour ratisser large tout en conservant un degré rare de coquetterie, subtilité et raffinement dans l’arrangement.
De l’influence sous influence
“Je me souviens de ma mère mettant Atomic Heart Mother des Pink Floyd et moi jouer par-dessus. Ça ce sont des souvenirs merveilleux“. La musique sous influence, Tellier en a été allaité au sein. C’est sûrement pour ça que, lorsque grandes envolées il y a, elles sont portées par des vapeurs de weed. Qu’elle se roule en deux feux feuilles ou qu’elle provienne d’un cactus sacré, la drogue est un partenaire actif de la création chez Tellier. Et puis le Pépito Bleu… ça laisse peu de place à l’équivoque, non ? Même s’ils sont artificiels, voici (aussi) d’où Sebastien tient son goût de paradis.
De la France
“C’est pas que je deviens chauvin mais j’essaie de parfumer tout ce que je fais d’un parfum français. Dans l’âme. La vision artistique française, elle est sympa. On a Truffaut, on a Gainsbourg, on a plein de mecs cools sur qui se reposer même si ça n’aurait aucun sens de refaire ce qu’ils ont fait aujourd’hui. Mais on a un bel héritage“. Ni chauvin, nationaliste ou patriote, Tellier est héritier du patrimoine et du bon goût de France. Christophe, Jean Michel Jarre, Daft Punk ou Gainsbourg, dans la galerie Tellier on croise de beaux portraits. Dans le savoir-faire, la convivialité, l’humour de bon vivant et l’aspect bonne patte, Tellier pourrait de même s’assoir sans mal entre un Chabrol ou un Blier.
Du Dada
“Il faut un peu de perversion pour aimer être en même temps aussi cohérent et incohérent. À mon petit niveau, c’est du dadaïsme, je me dadaïse la tête. Pourquoi à l’envers ça serait pas plus joli qu’à l’endroit ?“. C’est vrai ça, pourquoi ? Si cet Aventura plonge et nage dans l’Art Naïf, la grande constante chez Tellier, c’est le Dadaïsme. Sa moustache sur la Joconde ? L’Alliance Bleue. Provenant d’un album, My God Is Blue qui serait son urinoir. Farceur, insurgé discret et facétieux, Tellier constelle son oeuvre de questionnements sur les conventions esthétiques.
