Quelques heures avant de monter sur la scène du festival Cabourg Mon Amour, Angèle nous a accordé un entretien. Nous avons parlé de son succès fulgurant à seulement 22 ans, de la manière dont elle le vit mais également du mérite que certaines personnes peuvent injustement lui retirer.
Villa Schweppes : Comment ta vie a changé, depuis un an ?
Angèle : De manière très intense. C’est mon rythme de vie qui a changé. Il y a eu tellement de choses à faire depuis que “La Loi De Murphy” est sorti. Etant donné le succès de ce premier morceau, l’idée était de rebondir dessus et d’en profiter. Il a fallu notamment préparer le live pour les premières parties.
Villa Schweppes : D’ailleurs, ce succès soudain, est-ce que ça t’a mis une pression ou tu n’as retenu que le côté positif ?
Angèle : C’était une grosse pression. D’autant plus en Belgique car c’est plus petit donc proportionnellement c’est plus facile de toucher plus de monde. Il y a eu un support des radios très immédiat, et on ne s’y attendait pas du tout. Forcément, passer en radio, ça fait accélérer les choses. Avant “La Loi De Murphy”, je n’avais rien dévoilé et le reste n’était pas encore au point. On a tourné le clip de “Je Veux Tes Yeux” juste après. C’était très intense.
Villa Schweppes : Tu savais que tu voulais faire ça depuis longtemps ?
Angèle : J’ai fait du classique jusqu’à mes 18 ans puis du jazz pendant 2 ans. Et c’est au moment où j’ai arrêté que je me suis dit que je voulais être chanteuse. J’ai commencé par faire des petites vidéos où je chante sur Instagram, puis j’ai fait des petits concerts dans des bars. Il y avait beaucoup de gens qui venaient me voir, alors j’ai compris qu’il se passait quelque chose. Même la presse s’intéressait à ce que je faisais alors que je n’avais rien dévoilé.
Villa Schweppes : La hype attire les haters, on imagine que tu as d’autant plus subi de critiques du fait que tu sois une femme. Est-ce que tu l’as ressenti ?
Angèle : Il y a un truc que je ressens beaucoup du fait d’être une jeune femme, c’est le côté mérite. Je sens que certaines personnes me retire du mérite puisque mes parents sont célèbres et que mon frère aussi (le rappeur Roméo Elvis, ndlr). Les gens ne sont pas habitués à ce que les femmes écrivent leurs textes et produisent leurs morceaux, et ils ont du mal à comprendre que c’est possible. Quand je regarde mes commentaires sur YouTube, il y a le coup classique du “elle est pistonnée”, mais il y a beaucoup de “mais qui est derrière tout ça ?”. Parfois, les gens sortent des noms qui n’existent pas ! Ils écrivent “Elle doit son succès à Benoit”. Je réfléchis donc à savoir qui est Benoit, et je me dis que peut-être, dans une story Instagram, j’ai montré mon ingénieur son qui s’appelle Benoit et les gens pensent que c’est lui qui a écrit mes chansons. C’est comme si il fallait à tout prix chercher l’homme derrière le projet.
Villa Schweppes : C’est une thématique dont tu traites dans ton album ?
Angèle : Un petit peu. C’est quelque chose que j’essaie de revendiquer. C’est vraiment agaçant de bosser, de faire les choses comme tout le monde et que l’on t’enlève du mérite uniquement parce que tu es une meuf.
Durant les premières parties de Damso, il fallait que je me batte pour que l’on me respecte
Villa Schweppes : Il y a énormément de rappeurs qui t’ont soutenu à tes débuts. Tu penses que c’est un style musical qui se rapporte à ce que tu fais ?
Angèle : Pas vraiment. Je pense que c’est du hasard. J’ai un peu intégré cette famille sans le vouloir. Quand j’avais le temps, je suivais mon frère en festival et j’ai rencontré pas mal de rappeurs. Caballero et JeanJass m’ont invité pour faire des choeurs sur un morceau, Veence Hanao m’a aidé à écrire “La Loi de Murphy” et puis dernièrement Damso m’a proposé de faire sa première partie. C’était vraiment intéressant parce que j’étais très loin de son univers. Pour autant, dans ma musique, je ne considère pas qu’il y a du rap.
Villa Schweppes : Comment tu as vécu ces premières parties pour Damso ?
Angèle : C’était super dur, mais c’était la meilleure expérience pour moi. Aujourd’hui, avec du recul, je me rends compte que ça a contribué au fait que j’étais chiante pendant un mois. J’étais fatiguée, je râlais tout le temps. C’était éprouvant parce que c’était fait un peu à l’arrache car on avait pas beaucoup de moyens. On dormait dans les hôtels les moins chers possible, on passait des journées dans des trains, c’était stressant. Quand j’arrivais sur scène, je n’étais pas toujours applaudi. Il fallait que je me batte pour que l’on me respecte. Damso était très compréhensif. Il y a des soirs où je craquais, je me suis mise à pleurer avant le soundcheck. C’était un moment gênant pour tout le monde mais lui est venu me voir en me disant “si tu veux pas le faire, c’est pas grave”. Il y avait quelque chose d’hyper bienveillant.
Villa Schweppes : Tu te sens un peu plus à l’aise maintenant avec la scène ?
Angèle : Je pense que si aujourd’hui je suis aussi bien sur scène et aussi heureuse, c’est grâce à cette expérience.
Villa Schweppes : Ton projet musical a tout un aspect esthétique très coloré que tu développes avec Charlotte Abramow. Comment vous en êtes venu à bosser ensemble ?
Angèle : Charlotte, à 16 ans, postait sur sa page Facebook des photos de ses copines dans des champs. Et même si c’était parfois maladroit, on sentait qu’elle avait du level par rapport aux autres photographes de son âge. On voyait l’une et l’autre qui on était, sans s’être jamais vraiment rencontré. Quelques années après, elle est tombée sur mon Instagram et elle a tout liké. J’ai donc décidé de la contacter et elle a accepté de faire un premier shooting avec moi. C’était y’a deux ans. Aujourd’hui, on est super pote.
Villa Schweppes : Dans “La Thune”, tu fais un lien entre l’argent et les réseaux sociaux. Qu’est-ce que tu as voulu exprimer avec cette chanson ?
Angèle : “La Thune” c’est plutôt pour parler de l’apparence et du bling-bling sur les réseaux sociaux. Le lien avec l’argent c’est qu’aujourd’hui c’est devenu plus important de donner l’impression d’avoir beaucoup d’argent plutôt que d’en avoir vraiment. Mais ça marche aussi avec le fait de vouloir donner l’impression d’être heureux sans l’être vraiment. Je voulais également parler du fait que l’on a toujours peur de rater quelque chose si on ne le filme pas.
Merci Angèle !