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"Le street art est partout, il n'y a pas de parisianisme qui écraserait tout"

By Jennifer Durand-Raynal
05 Mai 2021

Des années 1980 à aujourd'hui, le street art est devenu un phénomène qui ne connaît pas la crise. Journaliste, auteur de livres sur le Paris underground et longtemps guide conférencier sur le street art, Antoine Besse décrypte pour nous cet art de la rue qui réenchante nos villes.

Comment évoluent les spots de street art à Paris ?

Antoine Besse : Le street art a toujours été un art un peu rebelle, à l'origine c'était un mouvement qui voulait être hors des sentiers battus, sortir l'art des galeries et s'opposer à l'art bourgeois, c'est pour ça que les artistes urbains privilégient les quartiers populaires. Les quartiers ouvriers ont toujours été des lieux où les artistes pouvaient s'exprimer sur des murs.

À Paris, ça fait des années que les artistes ont investi la Butte aux Cailles. Non seulement, c'est un vieux quartier populaire mais c'était aussi un haut-lieu de la Commune de Paris en 1871. Les artistes de street art ont toujours aimé puiser dans cette histoire-là et s'emparer des héros de la Commune, à l'image de Morèje qui avait réalisé une série de portraits en mosaïque des grandes figures de la Commune comme Louise Michel ou Jules Vallès.

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On trouve aussi, pour les mêmes raisons, beaucoup de street art sur la Butte Montmartre. Dans les années 1980, les artistes urbains se sont tournés vers Belleville. Ce quartier populaire un peu crade était en pleine mutation avec la construction de ces grands ensembles modernes un peu moches, du coup il y avait en permanence des palissades de chantier sur lesquelles les artistes pouvaient dessiner. C'est depuis resté un quartier associé au street art.

De manière générale, l'Est parisien et le Nord, avec Oberkampf, Belleville, Aubervilliers, Bagnolet, Montreuil... sont des grands spots de street art. La nouveauté aujourd'hui, c'est cette idée d'avoir un street art "officiel" avec un lieu dédié. Le boulevard Vincent Auriol est, de fait, devenu le nouveau spot du street art, et comme des artistes du monde entier sont régulièrement "invités" à réaliser de nouvelles fresques gigantesques, il est toujours en mouvement.

En France, quelles sont les villes les plus actives en matière de street art ?

On trouve des spots de street art dans toutes les grandes villes où il y a des quartiers populaires. À Lyon, sur les pentes de la Croix-Rousse, encore une fois un quartier populaire qui résonne les révoltes ouvrières, il y a des artistes comme Don Mateo qui colle pas mal ou Ememem qui fait des mosaïques dans les trous de la ville. Marseille est aussi une ville hyper active en street art, dans le Panier, à la Friche de la Belle de Mai, dans le quartier du cours Julien, il y a des oeuvres partout ! A Bordeaux, il faut aller se balader du côté de la Caserne Niel et de l'écosystème Darwin ou vers le quartier Bacalan.

Paris est-elle la capitale du street art en France ?

Le street art est dans toutes les villes, il n'y a pas de parisianisme qui écraserait tout. Si tu regardes les musées ou les galeries d'art contemporain, on peut dire que beaucoup de choses se passent à Paris, mais pour le street art c'est beaucoup plus distribué et on voit des choses assez uniques dans chaque ville.

Quels sont les nouveaux artistes à suivre ?

J'aime bien l'idée qu'il y a de plus en plus de femmes dans le street art. Parce qu'avant, à part Miss Tic, il n'y en avait pas beaucoup ! J'aime assez Petite Poissone qui fait des textes assez rigolos, un peu rentre-dedans, Zabou qui fait des grands visages assez photo-réalistes, elle a pas mal peint dans le 13e et là j'ai vu qu'elle faisait des trucs à Londres, elle s'exporte ! Ou encore Zelda Bomba, AkElo et Anthea Missy... En vrai, ça bouge tellement !

Quelle place prennent les réseaux sociaux dans le street art aujourd'hui ?

Maintenant tous les artistes urbains ont des comptes Instagram, c'est devenu un super moyen de se faire connaitre et de se faire repérer par une galerie. Tu commences dans la rue et au final tu réintègres le système classique ! Mais en même temps, c'est aussi Instagram qui fait la vitalité de cet art parce que finalement il y a peu de gens qui achètent du street art, en revanche dans la rue, les gens adorent prendre les oeuvres en photo et les poster sur les réseaux. On assiste à une flambée des hashtags !

Certains street artistes ont plus de followers que les grands noms de l'art contemporain ! Le street art reste un art populaire et c'est sa force parce qu'il est intellectuellement abordable, souvent figuratif et va beaucoup piocher dans la culture pop. Et en même temps, il a su garder son côté rebelle, une petite conscience politique facile d'accès, c'est pour ça qu'il cartonne !

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