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Une rencontre avec Jean-Louis Brossard, l’âme des TransMusicales de Rennes

Nous sommes partis à la rencontre de Jean-Louis Brossard, le programmateur des Transmusicales de Rennes, pour qu’il nous explique comment se concocte un festival aussi étonnant.

Villa Schweppes : Comment arrivez vous à vous remotiver, encore, après plus de 35 éditions ?

Jean Louis Brossard : La musique, c’est toujours très excitant ! Je ne dis pas que parfois, je n’ai pas de grands moments de solitude, mais . Tu te dis “Je vais faire les Trans rien que pour ça”. Et puis les autres arrivent ensuite. Parfois, j’ai du stress, je me dis que je ne vais pas y arriver : La recherche, les choses que je vois, que je revois, dans des festivals à l’étranger. Je veux toujours faire les premiers concerts en France, donc quand tu vois un groupe au mois de Janvier, et que ton festival est en décembre, c’est stressant. Alors tu n’en parles à personne, tu gardes le projet pour toi jusqu’à l’annonce de la prog.

A l’heure où ce sont de grosses agences qui fondent la plupart des festivals, comment abordez vous ce rôle assez unique de programmateur-incarnation d’un festival ?

JLB : D’abord, j’aime être au contact des gens. Il faut aussi défendre sa prog. Les mecs de festivals d’été, avec des groupes comme Arctic Monkeys, il n’ont pas besoin d’aller au front. Les noms attirent, ou non, le client. Moi, je suis obligé de partir à l’attaque, avec les médias aussi, de faire des écoutes etc… J’ai envie de partager, d’expliquer un peu, raconter l’histoire. Les gens aiment avoir quelque chose de vivant.

Au coeur de Rennes

Le retour des Nus, les Superets encore présents (en DJ) cette année, le nouveau groupe de Frank Darcel de Marquis de Sade, Republik : on sent une grande fidélité à des artistes locaux de toutes générations…

JLB : Il y a un vrai patrimoine musical rennais. Quand je croise aujourd hui Juveniles ou Clarens nous sommes dans un rapport proche de celui que j’avais avec la première vague de groupes rennais fin 70. ou par exemple, les Superets, qui sont des oiseaux nocturnes, ils sortent beaucoup et sont curieux ,on se croise souvent lors de concerts à l Ubu . Les groupes sont preneurs de conseils et de soutien artistique , je me rends disponible pour cela et j’aime le faire. Quand un groupe est en répétition à l’Ubu, post filage je fais un debriefing. Il faut trouver les mots justes . J’y vais toujours accompagné de l’éclairagiste et de l’ingénieur du son, qui synthétisent avec moi le travail réalisé pendant la journée et font aussi leurs remarques. Cela concerne trés souvent “le son” du groupe et les réglages à y apporter. Ce travail de fond vise à faire progresser l’artiste.

C’est assez marrant de se rendre compte de l’évolution de certains groupes après l’accompagnement. Dead, par exemple, ont tendance à faire salle comble dans des milieux dits “goth”, alors que rien ne les y prédestinait…

JLB : Dead est un excellent groupe , je ne sais pas , peut être le milieu Goth se retrouve dans leur coté sombre. Pour expliquer le fonctionnement : on propose aux groupes une résidence à l’Ubu ,on les confronte ensuite à un vrai public à travers la tournée des Trans. On mesure alors l’évolution du groupe sur divers plans : Son, setlist, lumière, déco de scène, etc…, ce qui les prépare efficacement pour leur concert aux Transmusicales.

Partout, tout le temps

La prog est très internationale. Vous avez des indics dans différentes zones du monde, pour faire le tri ?

JLB : Des indics ! Surement pas ! Des amis, oui. Je reçois des tas de projets. Par exemple, on m ‘avait proposé un groupe nommé les Pascals : 20 japonais faisant des reprises de Pascal Comelade qui m’avait plu immédiatement. Seules les Trans pouvaient relever le pari et prendre en charge les voyages. Cette année, le pari a été de faire venir les 9 musiciens Sud Africains de Tumi Mogorosi, le batteur de jazz, avec quatre choeurs lyriques. Ce sera fort.

Qu’est-ce qui décide une telle prise de risque en programmation ?

JLB : C’est la continuité du postulat de base des Transmusicales, montrer la vivacité et l’originalité des scénes locales, nationales et internationales et perpétuer l’esprit de curiosité qui a construit la renommée du festival. Je construis un vision pour chaque scène. En sachant que le jeudi, qui est la soirée la plus risquée, je fais jouer Raury. L’an dernier, c’était London Grammar. Je sais que lui, il peut m’aider à pousser un peu cette soirée là. C’est le seul soir où je m’oblige à faire un groupe qui “appelle”. Mais j’ai gardé Shamir pour le dimanche, pour faire une belle soirée autour de tout son label, Godmode.

Le reste de l’année, vous êtes aussi à la prog de l’Ubu. Comment est-ce qu’on prend en main le paysage culturel d’une ville ?

JLB : Nous ne sommes pas les seuls à programmer sur Rennes. Il y a de nombreuses assos, d’autres lieux et événements. Pour nous soutenir la scène locale est primordial, c’est même la base de tout. Rennes vit la musique intensément. Nous y contribuons depuis 36 ans, à notre manière.