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Sébastien Tellier : “Enfin Enfant”

Le 26 mai, Sébastien Tellier sortira L’Aventura, son huitième album où il raconte son enfance fantasmée avec un accent brésilien. L’occasion de revenir sur l’enfant en lui avant qu’il ne se sépare de celui-ci.

À entretien pluvieux, entretien heureux. Après avoir essuyé des trombes diluviennes de flotte, il y a un certain réconfort à rencontrer Tellier. Sous une imposante tête de cerf empaillée, dans un salon feutré de l’Hôtel Particulier à Montmartre, nous attend ce visage mangé par la barbe, à l’expression aussi innocente que son dernier album. La langue naturellement déliée, Tellier connait le même climat dans son verbe et répond à chaque question par un déluge. “Champagne !” Dans toute sa bonhommie, Tellier nous reçoit comme une bonne nouvelle. N’allons pas croire pour autant qu’il pioche ses réponses dans le cul d’une bouteille, son champagne, il pourrait le biberonner. A notre table, aussi farceur que noceur, c’est un enfant de 39 ans qui débite et déclame par pack de douze. Un gamin en plein divorce avec son enfance qui tenait à lui composer un album d’adieux “J’ai 39 ans” confie-t-il et lorsque l’on en a 40, on n’a plus le droit d’être un enfant“. Son horloge biologique n’a pas les aiguilles pétées et sa paternité nouvelle n’est pas une machine à remonter le temps, Tellier propose un remake de son enfance, une réécriture parce que “j’ai eu une enfance banale et je déteste la banalité“.

Ça fait huit ans que je suis bien, je suis smooth, c’est plutôt cool

Le pays de la joie éternelle

Aussi, on comprend aisément pourquoi, lui, qui a grandi à Eragny – bourgade planquée au milieu du rien val-d’oisien – ait choisi le Brésil comme décor de sa nouvelle enfance. Selon lui, c’est le pays de la joie éternelle : “Je l’ai compris lorsque j’ai fait un concert au Brésil pour la première fois. Sa musique a trouvé une résonnance en moi, elle est complexe, au service de la joie“. En résulte L’Aventura, sorte de Polnareff des temps modernes dont la Marilou serait un ours en peluche. La joie, simple et sans entrave, il lui avait déjà constitué un autel lors de My God Is Blue, et son ordre l’Alliance Bleue – mélange secte et de Club Dorothée – où certains ne voyaient qu’un étalage de farces et attrapes (couillons). C’est-à-dire qu’avant My God Is Blue, sa muse était plutôt blues. Dame Nature, dans son immense atelier, peut parfois commettre des erreurs de paramétrages et chez Sébastien, cela s’est manifesté par une glande paresseuse dans la régulation de l’humeur. Il aura fallu une batterie de test à 31 ans pour qu’il retrouve un moral disparu dans ses chaussettes. “Ça fait huit ans que je suis bien, je suis smooth, c’est plutôt cool. Maintenant, je veux simplement que la vie soit douce et ça doit se ressentir“.

Un bien-être retrouvé allant de pair avec un individu qui s’assume. Tellier, aujourd’hui, c’est de l’humain avant tout. Voire de l’humain après tout, lorsqu’il compare ses camarades les Daft a “du Spielberg“, quand lui aime plutôt se considérer comme du Chabrol, avec de l’aspérité, du temps humain, de la maladresse : ” C’est important les erreurs. J’ai beaucoup jeté pour ne présenter que le meilleur et maintenant je rentre dans une autre phase où j’ai envie de tout présenter, tout ce qui me passe par la tête “. Dans le Tellier nouveau, fraichement séparé de son enfance, on trouve un microscope sur le sentiment humain, parce que “aujourd’hui, je trouve que le bonheur se joue dans des détails, donc il va bien falloir qu’à un moment de ma carrière je m’y intéresse“. Le barbu veut embrasser l’Art à bras le corps et ne plus sur concentrer que sur le Beau : ” j’aimerais travailler aussi sur la connardise, la petitesse, passer du temps là-dessus. Pouvoir faire un truc sur la médiocrité aussi, j’aimerais bien avoir le temps de faire ça“. Oui, dans râtelier, il y a Tellier.