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Rick Ross, Deerhoof, Jaumet : le Rayon Frais du 24 novembre

Tout ce que la musique vous propose d’écouter, passé par notre filtre. Voici votre playlist de la semaine.

Rick Ross, routine sans déroute

C’est quoi ce bruit ? La quincaillerie accrochée autour du cou de Rick Ross de retour avec un septième album.

On s’en relève la nuit ? Oui. Qu’est-ce que l’on doit attendre d’un nouvel album de Rozay ? Des surprises ? Des prouesses de storytelling ou de technique à la Lamar ? Des guests surprenants ? Comme Lunice signé chez MMG (Lil Wayne le fit) uniquement utilisé pour produire Rockie Fesh. Un nouvel homme ? Non. Rick Ross restera Rick Ross. Mais est-ce parce que l’on est aussi fidèle à soi-même que l’on ne peut pas se tromper ? Rozay le routinier propose la marchandise habituelle pour la clientèle habituelle, de la trap à Papa, un peu grasse, un peu anxiogène, vaguement plus optimiste et conviviale par instant conviant les mêmes piliers – Project Pat, Yo Gotti, French Montana, DJ Khaled, Lex Luger ou Metro Boomin à la production… – avec tout de même Jay-Z, Timbaland ou Snoop Dogg pour donner du luxe à l’engin et Big K.R.I.T pour avoir un talent estimé du south. Diddy à l’exécutif n’y changera pas grand-chose (si ce n’est inviter le fantôme de Bad Boys et Dirty Money), Ross engraisse plus qu’il n’évolue, la maison est un peu plus marbrée, les guests un peu plus chic, les singles un peu plus percutants (surtout Elvis Presley Boulevard) pour le reste, cet album voulu par son auteur comme un feel good record s’échine simplement à adoucir les moeurs de l’auteur d’Hustlin ou Hold Me Back.

 

Andy Stott, la techno d’auteur

C’est quoi ce bruit ? Andy Stott, le producteur Mancunien de l’excellent Modern Love qui fait de la techno une science des rêves.

On s’en relève la nuit ? Plutôt deux fois qu’une. Jusqu’à présent, Stott emmenait la techno de niches en niches jusqu’au troglodyte : creusée dans la roche, sombre, froide et recluse. Cimenté dans l’Histoire de l’électronique, Stott déroulait – d’une bestialité tranquille et inconfortable – le spartiate et le chrome profond de Basic Channel ou Maurizio, l’apogée de ce qu’on appela au temps jadis la techno dub. Mais Andy Stott ne serait pas Andy Stott s’il ne passait son temps à s’extraire de sa zone de confort. Ici, le Mancunien s’affranchit un peu plus des diktats du genre (au sens large) pour se façonner un nouveau visage dans la vapeur, lacérée de jeux de lumières. Hooks murmurés, textures filtrées, les mélodies ondoient comme soie au soleil d’hiver, Faith In Strangers est fait d’une techno dont on se drape, rincée des écorchures et aspérités d’antan. Fraîche aussi est l’architecture de l’album, dont la trame narrative muette mais omniprésente tire l’album vers de plus rugueux sommets, là où saturent ses points de tensions. En trois albums, Andy Stott est parvenu à établir une techno d’auteur et forge ses signatures précédentes en les chassant d’une nouvelle.

Arandel, grand patron synthétique

Pourquoi la supérette s’agite ? C’est à la fois la plus grande force et le plus grand défaut d’InFiné : avoir une identité très nette et un public fidèle. La sortie de l’album Solaripellis d’Arandel est donc une grande nouvelle pour les fans du label, mais ne fait pas se dresser l’oreille de nouveaux venus qui, jusqu’ici, ne s’y sont pas encore retrouvé (sauf éventuellement avec Rone).

Est-ce qu’on s’en relève la nuit ? C’est toute l’injustice du circuit fermé InFiné : voilà un album de conquête, qui devrait être proposé bien au delà des “hard to please”. C’est pour ça que dès que vous aurez cliqué sur Play, vous tâcherez d’en parler à vos amis : c’est un très bel album, synthétique, inventif, très imagé. Une électronica qui s’adresse à tout un chacun avec des morceaux solides, et souvent pas si cérébraux que le sigle de la maison de disque le laisse penser. Un esprit sain dans un disque bien.

Deerhoof, éternellement adolescents

Pourquoi la supérette s’agite ? Parce que depuis les 90’s, Deerhoof est une entité hors-norme de l’indie américain. Nous pourrions, pour vous le définir, expliquer que ce groupe est certainement le plus pop de la scène noise. Ou l’inverse. Quoi qu’il en soit, ça fait 20 ans qu’ils sont là, et ils n’ont pas l’intention de faiblir.

Est-ce qu’on s’en relève la nuit ? Oui : le disque est des plus étonnants, fidèle l’image ultra libre du groupe. Il y a quelque chose d’insouciant qui se dégage de l’ensemble, certainement dû à leur capacité à passer du coq à l’âne sans ne jamais se perdre en route. Un disque qui devrait passionner les amateurs de rock américain en manque de fraîcheur.

Centenaire, sûr de son fait.

Pourquoi la supérette s’agite ? Comme Deerhoof, l’album des français Centenaire sort sur Clapping Music. Puisque vous nous suivez régulièrement, vous aviez déjà acheté le EP “Sainte Croix” du groupe. Voici donc leur long format.

Est-ce qu’on s’en relève la nuit ? Ce disque est un manifeste d’agilité, entre mélodies pop, invasion noise et psychédélisme discret. Centenaire fait le choix de ne pas prendre parti, de ne pas choisir entre textures et chansons ce qui, à l’instar de l’album de Steeple Remove, fait de Somewhere Safe un disque dense, assuré, difficile à aborder et pourtant hautement addictif.

La Canaille – La Nausée

Pourquoi la supérette s’agite ? Parce La Canaille reprend le flambeau du rap français dark à texte. Une brochette de chouettes producteurs qui se livrent au service de sa Nausée. La grande question : à quoi ressemble cette partie du patrimoine hip hop en 2014 ?

Est-ce qu’on s’en relève la nuit ? Pas au premier abord. Mais au fil du temps, il s’avère que l’auditeur revient à ces morceaux parfois trop sobres en première écoute. A l’heure du rap de club roi, on avait adoré l’Asocial Club de la bande à Casey, nourri de grosses basses dans l’air du temps, dur mais drôle par instants. On a du mal à rire avec La Canaille, mais on revient toujours à cette Nausée, plus ou moins sans s’en rendre compte. L’expérience en fait donc un bon disque.

Mais aussi:

Etienne Jaumet , notre rédacteur en chef invité du week-end du 13 au 16 novembre, a finalement lancé son nouvel album. Il est excellent, et vous le savez. Sinon, lisez tous ces articles pour prendre la mesure de cet album et de son auteur.

Dans une interview pour le Trouw (salle d’Amsterdam), il est demandé à Barnt comment il définit le kosmisch (cosmique) de sa musique. Voilà ce que le producteur de Cologne répond : “J’essaie de marcher sur ligne droite en faisant des cercles. C’est comme notre amour pour le ruban bleu du ciel ? Voulons-nous l’attraper ? Ou voulons-nous le laisser voler au loin ?” Tout est dit. L’Allemand sort son premier LP chez Magazine aujourd’hui entre collage surréaliste et objet impossible de la techno.