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Nicki Minaj, D’Angelo, des fantômes, du sold out : le Rayon Frais du 15 décembre

En ces périodes de disettes où tout n’est que Noël et coffrets de réédition, vous cherchez le cool dans les sorties ? Notre Rayon Frais vous aidera.

Nicki Minaj, l’album schizo

Pourquoi la supérette s’agite ? Parce que c’est Nicki Minaj. Voulez-vous vraiment une session de rattrapage ? D’abord, un “Anaconda” ultra sexualisé, mais surtout blindé de références à la Miami Bass puis une lyrics-video douteuse pour “Only” : la rappeuse a forcé sur le buzz avant la sortie de son album.

Est-ce qu’on s’en relève la nuit ? Alors que ce disque s’annonçait comme celui qui allait faire de Minaj la rappeuse la plus badass de l’histoire du rap, elle se prend les pieds dans le plat. En cause ? Une D.A hasardeuse qui la fait osciller entre une pop Disney tout juste bonne à faire rêver des gamines WASP américaines – “The Crying Game”, “Get On Your Knees”, “Bed Of Lies” – et un hip hop dark, crasse et moite dans lequel elle excelle. Alors qu’elle aurait pu définitivement faire entrer le rap-game dans son âge obscure, il manque à sa Pinkprint la cohérence nécessaire pour marquer l’histoire de son empreinte. Sur 21 titres, on en vire au moins 5 ou 6 à la première écoute, et nettement plus par la suite. Il y avait là de quoi faire un format LP simple surpuissant. On saluera malgré tout la folie de “Want Some More”, la hargne de “Big Daddy” et les audaces de production qui s’étalent tout du long. Par contre, l’album confirme que Nicki est née pour rapper violemment, frapper fort, claquer comme un fouet. Toutes les parties chantées sont donc globalement inutiles et gâchent clairement le disque. On recomposera notre propre tracklisting.

D’Angelo rompt quatorze ans de silence

C’est quoi ce bruit ? Le retour après quatorze ans de silence et du plus gros sucre de la nu-soul avec son groupe : D’Angelo & The Vanguards.

On s’en relève la nuit ? En sursaut. Si ce nouvel LP s’intitule Black Messiah, il aurait surtout du s’appeler Godot à tel point on ne l’attendait plus. D’, lui, explique son titre non pas comme une ascension d’egotrip après la traversée du désert mais comme une idée “à laquelle nous pouvons tous aspirer ” en nuançant que “nous devrions tous aspirer à être un Black Messiah“. Un titre qui correspond néanmoins à la posture sur laquelle on avait quitté Angelo en 2000, lui qui offrait au nouveau millénaire un nouveau son. Un postulat difficile à suppléer, qui causerait à plus d’un des retraites anticipées. Alors ce retour, notre gros sucre l’a pensé avec une simplicité dans la démarche et une sophistication dans la confection. Accompagné de ?uestlove (the Roots) pour l’élaboration, dans ce Black Messiah, on trouve l’explosion de peinture de Funkadelic, du Prince dans le timbre, du rock psyché dans les angles, un blues rock forgé dans l’Histoire, du beat comme pensé par les beatmakers de Detroit (si si, notamment sur 1000 Deaths, Sugah Daddy et Really Love) des échappées que l’on croirait voulues par TVOTR s’essayant au pastiche 60’s et puis de la surprise (du soundscape, de l’hispanisant…). Reprend à son compte les sommets joueurs (voire taquins) et canailles de la funk. D’Angelo a vieilli et comme si cette ellipse de quatorze ans n’avait jamais existé, il est l’auteur d’un album érudit de connoisseurs, à l’évolution sans trêve ni repos. Peu importe les quatorze ans d’attente, Black Messiah aurait pu sortir n’importe quand, D’Angelo manie toujours cette soul hyper contemporaine qui, dès la sortie de l’oeuf, à cette force et cette pâte des classiques instantanés.

 

Gabriel Saloman, tenaces fantômes

C’est quoi ce bruit ? Gabriel Saloman, producteur merveilleux qui n’a pas le nom de l’emploi et compose des ombres chinoises électroniques pour des chorégraphes

On s’en relève la nuit ? Oui. Si Saloman (ce nom…) a toujours été dans une musique destinée au corps, elle n’est que depuis très récemment à l’usage de la danse. C’est uniquement depuis la séparation de Yellow Swans (avec Pete Swanson, qui lui mène aujourd’hui une saine existence dans la techno dissolue)que Saloman confectionne de quoi habiller des chorégraphies. Movement Building, son troisième boulot du genre en trois ans – après Adhere et Soldier’s Requiem – s’inscrit dans cette même ambition. Composé pour un ballet de Daisy Karen Thompson, “Re-Marks on Source Material“, ce Movement Building comporte “des questionnements, influencés par Foucault, quant aux limites imposées aux corps par la technologie et le travail“. Résultat : un paysage sonore avec un gros pilote narratif et une belle science du drame. Volcanique, au minimalisme rigoriste, Movement Building avance – toute chorégraphie mise de côté – comme un ballet fantomatique. On retrouve les boulots des Soulages du soundscape, les grands peintres de l’aplat de noir et de l’aspérité électronique comme Raime (ou Moin) de chez Blackest Ever Black ou (dans d’autres mesures), les Emptyset, Roly Porter et relativement tout le tracklisting de The Black Ideal, (la merveilleuse compilation du merveilleux label Unknown Precept). Saloman cherche le mouvement dans le statique et donne un corps imposant et une puissance extrêmement physique à la vapeur.

Hante., un sold out instantané et justifié

Pourquoi la supérette s’agite ? Moitié de Minuit Machine, Hante. vient de sortir son premier album, Her Fall And Rise. Avant même d’avoir eu le temps de finir chez vos disquaires, le 45 tours qui en est extrait n’était déjà plus disponible. En un quart d’heure, les mélomanes corbeaux s’étaient jetés dessus, asséchant le stock à vitesse très grand V.

Est-ce qu’on s’en relève la nuit ? On est face à l’incarnation de la musique de niche – non pas que ce soit inécoutable pour la masse, bien au contraire, mais qu’une chapelle, ici celle des goths de la synth wave, s’est véritablement emparée de l’artiste. Pour les amateurs d’électro dark brumeuse, ces 7 titres de Hante. devraient déchaîner une certaine passion. Nous vous parlions de Verveine la semaine dernière, en voici une version nettement plus sensible et impériale. Un véritable régal.

Human Teorema : tendresse post-rock

Pourquoi la supérette s’agite ? Human Teorema est des groupes les plus prometteurs de la scène définie comme “post-rock”. Il vient de sortir un nouvel EP Feuer ! qui, bien qu’issu du financement participatif, n’en reste pas moins un disque ambitieux.

Est-ce qu’on s’en relève la nuit ? Oui, car les parisiens font le pari d’ouvrir leur art à des horizons plus pop, avec notamment un développement à des horizons vocaux louables et la présentation de quelques morceaux presque catchy comme “Viandelle”. Le groupe abandonne au krautrock ce qu’il gagne en mélodies, en tendresse et en délicatesse, pour le meilleur. Entre exigence de composition, qualité de mise en son et main tendue vers un public plus large, Human Teorema propose un quatre titres des plus excitants.

Paulie Jan : la baston

Pourquoi la supérette s’agite : Après avoir commencé par exercer à travers deux EP au sein de l’excellente maison Fin de Siècle, Paulie Jan fait un détour chez le naissant label Tripalium Records pour Tesla, une nouvelle cassette – format qui, d’ailleurs, est objectivement entrain de devenir le support officiel de la techno bien.

Est-ce qu’on s’en relève la nuit ? Oui : Paulie Jan frappe dur et surtout profondément déconstruit, atonal, texturé et atmosphérique en face B. Sa techno digresse sans cesse, sent l’odeur des machines de 2014 et la frénésie de basslines comme celle de “8” devraient rendre les danseurs complètement dingues. En effet, il n’est ici question que de grande austérité musicale, conjuguée avec les mots clés “électricité”, “apocalypse” et “mutations dégénérées”. On va bientôt jouer nos DJ sets sur bandes, à ce train là.