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Mustang sur les départementales de la gloire

Quoi qu’il fasse, le trio Mustang va plus vite que ses camarades, quitte à se retrouver un peu seul en tête. Le 30 mars, le groupe revient avec un nouvel album, “Ecran Total”.

Nous sommes en 2009. Les baby rockeurs viennent à peine d’abdiquer, la pop française semble tourner au ralenti. Dans le même temps, un micro-label, A Rag, signe trois Clermontois repérés à l’occasion d’un concert hommage au Velvet Underground. Quelques mois plus tard, voilà qu’entre Rihanna et Sheryfa Luna, des looks façon rockeurs 50’s et des coiffures dignes d’Elvis vont faire leur apparition sur MCM : c’est l’explosion de Mustang.

Le premier album de Mustang a fait l’effet d’une petite bombe. Mêlant sonorités électroniques issues des boîtes à rythmes d’avant les années 80, guitares dignes du début des années 60 et une obsession pour la structure pop, “A71” va réussir le grand chelem en étant salué par des médias très pointus tout en passant à heure de grande écoute en télé et radios. A l’époque, les spécialistes et leurs mamans dansent ensemble sur “Anne Sophie” ou “Le Pantalon”. Pourtant, ils ne se mettront jamais d’accord : les plus indie sont fans de morceaux synthétiques voir planants à l’image de “C’est fini” – d’ailleurs inspiré d’Aphex Twin – alors que le grand public va se plaire plus dans des chansons “à l’ancienne” comme “Ma Bébé me quitte”.

A la suite de ce disque, la première vague de groupes présentés comme étant la “nouvelle pop française” va embrayer. Dès 2010, on va entendre jaillir les premières tracks de Young Michelin -devenus plus tard Aline – remportent le concours des Inrockuptibles la même année. Le Français est de retour.

Le temps du second album vient un an plus tard pour Mustang. “Tabou” sort cette fois ci chez Sony. Le groupe est allé chercher ici des influences plus larges, comme le glam, redécouvrant aussi les Stones, les Who ou encore Dylan. Le résultat est plus ovniesque encore, au point d’en devenir clivant. Trop pop pour les spécialistes, trop audacieux pour la masse et surtout sorti sans doute un peu trop tôt –les groupes comme Tame Impala n’avaient pas explosé, les guitares pop à effets poussés n’étaient pas encore réhabilitées- , il peinera à trouver son public. Pourtant, loin des chapelles, une foule plus restreinte de mélomanes va y voir exactement ce qu’il y a y trouver : de bonnes chansons, érudites sans être austères, populaires sans être populistes et surtout très personnelles. Une vraie fanbase se crée, loin des buzz, loin des tendances : du solide.

Après un EP de reprises sur vinyle incluant une version géniale de , de Bashung, Mustang s’attaque aujourd’hui à son troisième album. L’enjeu, finalement, n’est pas si grand : quoi qu’il arrive, le groupe semble destiné à grimper doucement mais sûrement vers la popularité qu’il mérite. A la force du bras, tels des artisans du rock, ils vont chercher de nouveaux aficionados à travers des lives incessants aux quatre coins de l’Hexagone mais aussi en Asie ou en Amérique Latine. Ce ne sont ni les clips viraux, ni les articles élogieux qui semblent les grandir, mais bel et bien leur pratique acharnée de la belle pop pour ce qu’elle est.

Ce nouveau disque, “Ecran Total” est marqué, justement, par une immense liberté : Mustang est passé en phase de croisière et ne cherche plus à prouver quoi que ce soit. Non, au contraire, il impose son style hybride, entre musique moderne et héritage fort des années où le rock portait des pantalons hauts et se coiffait proprement. Les synthétiseurs ronflent forts sur un single éponyme presque électro, l’hypnose grimpera à son comble sur “Les filles qui dansent” et “Je vis des hauts” raconte une vie de gamer-geek sur un fond hyper rockabilly. Malgré la variété des textures et des ambiances, le disque est mené par une cohérence extrême due à une construction de morceaux digne de l’orfèvrerie. C’est une écriture que la France commence à bien connaître : celle du brillant leader, Jean Felzine.

En s’acharnant à chroniquer notre époque, souvent justement taboue, de manière empirique, en utilisant le “Je”, les textes se nourrissent de chanteurs français mythiques comme Polnareff, Christophe et de nombreux autres. Sans revivalisme aucun, cette patte mêlée à une production travaillée – sons de guitares, synthétiseurs parfois psychédéliques – fait du trio le prototype du groupe populaire idéal, intelligent et capable d’être compris par tous.

Mustang avance à son rythme vers le statut de futur groupe culte, sur le mode de la conquète : il n’y aura plus d’explosion pour eux, elle est déjà passée. Malgré tout, grâce à leur capacité à prendre leur temps en restant tenace, le trio est parti pour devenir, à force d’albums aussi intelligents que les 3 premiers, l’un des plus grands groupes français des années 2010. Confirmation en écoutant leur disque tout juste sorti le 30 Mars,en regardant le dernier clip du groupe, le saisissant “Le sens des affaires” et en allant les voir Jeudi 3 Avril à la Machine du Moulin Rouge!