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Marseille, une ville de nuit racontée par ses activistes

Alors que la soirée Marseillaise du Villa Schweppes BPM avait lieu le 21 mai dernier au Cabaret Aléatoire, on est allé demander à 3 promoteurs locaux de nous raconter la vie nocturne de la cité phocéenne.

Vue de l’extérieur, la vie nocturne à Marseille ne semble pas tenir la concurrence de pôles comme Lille ou Lyon. On se rappelle encore des garçons de Departure Kids, qui, à l’époque, parlait d’une scène – rock – qui avait du mal à se renouveler. Alors que la ville vient tout juste de recevoir le concours de producteur Villa Schweppes BPM sous les horizons plus clubs du Cabaret Aléatoire, on a voulu savoir comment différents promoteurs pouvaient ressentir leur territoire.

Une petite place au paradis

“Notre diversité est une force et se réunit à travers l’identité culturelle de Marseille. Nous sommes fiers de notre patrimoine, de notre identité ainsi que des atouts géographiques de notre ville” lancent de but en blanc Matthieu et Florence, du bien nommé collectif Marseille Is Amazing. La ville offre en effet de nombreux spots variés, des bateaux aux toits-terrasses en passant par les endroits plus traditionnels.

Si la saison des rooftops est en effet plus longue ici qu’à Dunkerque, il y a aussi une culture de la fête plus larges qui s’étend bien au delà du créneau 00h-06h. C’est là-dessus que s’imposent les Marseille Is Amazing, qui finissent toujours à deux heures. “On préfère l’apéro”, résument simplement les organisateurs.

Mais naturellement, le reste de la ville ne ferme pas si tôt et les promoteurs s’acharnent aussi à faire passer des nuits blanches d’envergures aux locaux : il suffit de voir les Dancecode ou les propositions d’Olivier dit “L’Amateur”, activiste sur les soirées On Air de Radio Grenouille ou encore Midi Nights pour s’en convaincre.

Des opportunités relatives

Malgré cette apparente profusion de possibilité, le tableau ne serait pas si idyllique. Les promoteurs soulignent un vrai manque d’équipement de nuit fixes : “Aujourd’hui, à Marseille même, il n’y a qu’un vrai club spécialisé en Techno, le Baby Club. Pour palier ce manque, le Cabaret Aléatoire se transforme ponctuellement en club éphémère avec une programmation pointue” explique Jonathan, à la communication de Dancecode. De manière plus générale, il reproche aussi le manque d’ambition d’une ville qui était capitale européenne de la culture il y a peu : “les équipements sont obsolètes. Le Dôme, un dinosaure sorti tout droit de Jurassic Park. Les Dock des Suds devraient être détruits pour 2017”.

Olivier relativise pourtant, saluant un impact positif de l’événement : “Ça s’est vachement amélioré depuis Marseille Provence 2013 (capitale culturelle européenne) avec le Mucem, le Silo et surtout la Friche Belle de mai (Cabaret Aléatoire, Toit Terrasse…) qui a fini sa mue en beauté”. Ainsi donc, si on aura du mal à trouver un QG dans lequel passer tous ses samedi soirs, il y a, dans une certaine mesure, des propositions de bonne tenue auxquelles il faut ajouter des lieux comme La dame Noir, dont nous vous parlions ici.

Une dynamique souterraine peu suivie

L’autre vertu du dispositif européen fut certainement de stimuler la contre-culture : “la scène underground s’est aussi forgée contre la Capitale Culturelle, histoire de prouver ce qu’elle savait faire. Ça a donné des petits lieux à taille humaine, des collectifs malins et aventureux, bref, des trucs aussi indispensables pour l’avenir de l’electro ici que les gros festivals qui tirent bénéfice du succès relativement récent des soirées techno” développe Olivier.

Alors que ces projets auraient pu porter une identité marseillaise nouvelle, ils peinent à exister de manière plus institutionnels. Certains ne mâchent pas leurs mots : “nous avons une classe politique et des acteurs institutionnels un tantinet obtus et incompétents”. Ils dénoncent aussi vision populiste de la fête et de la musique électronique qui s’était soldée par le “scandale David Guetta”, en 2013. Dans ces conditions, pas évident pour les promoteurs du cru de légitimer sur leurs terres des têtes d’affiches plus qualitatives pour des lieux à la capacité volontairement restreinte.

Certaines opportunités semblent aussi bloquées par la rigueur institutionnelle. “La mairie interdit les soirées au bord de la plage, sur les toits, dans les parcs et tous lieux atypiques” explique Jonathan. “Est-on vraiment obligé d’avoir une chemise et des chaussures fermées pour écouter de la bonne musique en face de la mer ?”.

Une réputation plombante et une population en transition

Marseille paie aussi des clichés tenaces. De quoi parfois, faire hésiter les bookers de certains artistes : “La réputation de la région, que ce soit son côté gangster ou cagole, nous jouent aussi des tours. Il y a eu quelques histoires rocambolesques, mais c’est du passé”. Depuis 3 ans, la ville semble avoir radicalement changée. Olivier juge “le public plus nombreux, plus jeune, plus mixte. Les patrons de lieux, maintenant, sont des mecs comme nous, sinon des potes. Pas forcément des vieux moustachus du Milieu qui sont là pour palper”.

La cité phocéenne est aujourd’hui en pleine mutation. “On garde encore ce côté moitié hipster moitié cagole, kéké, malheureusement. Ça explique des goûts hyper formatés, tout le monde s’habille pareil et écoute la tendance du moment” avance Olivier. Pour autant, on ne peut s’empêcher de penser que la ville est à deux doigts de se faire une place clé sur la carte du clubbing européen. La prise d’influence des nouvelles générations d’acteurs locaux devraient faire sauter les derniers verrous et, enfin, craquer l’allumette d’une nuit qui a tout pour s’embraser.