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Jimmy Edgar : “Je n’aime pas l’idée d’avoir à être malheureux pour créer”

Dix minutes avant sa montée sur scène, aux Nuits Electriques, nous avons croisé un Jimmy Edgar au levé du lit et bavardé un instant d’inspiration, de méditation et de la vie de DJ.

Epuisé, le visage creusé, falot, le regard jauni de fatigue… C’est un Jimmy Edgar au saut du lit et vanné par son train de vie que nous croisons. Amoindri mais pas anéanti, Edgar reste plutôt disert, disponible et disposé, cet animal de nuit, musicien et photographe demeure toujours excité à l’idée d’échanger autour de la création.

Vous venez de vous réveiller, non ?

Oui, je suis complétement décalé, j’ai eu un gros show hier et puis je vis sur plusieurs fuseaux horaires, j’ai un rythme un peu étrange en ce moment.

 

Ça vient de vos différents logements ?

Je vis entre l’Europe, Los Angeles et Detroit. En ce moment surtout Los Angeles et Detroit. Je me suis installé plus longuement à los Angeles pour y travailler.

 

Pourquoi Los Angeles pour travailler ? Cela semble une ville pleine de distraction ?

C’est le cas. Je crois. En fait, Los Angeles, c’est une fuite avant toute chose. J’avais besoin de me couper du monde, je ne connais rien de la scène club sur place, pour être honnête.

 

Une fuite ? Qu’est-ce que vous fuyez ?

Les fêtes… les distractions. Une scène club trop intense qui m’empêcherait de bosser correctement. Et c’est cool. J’avais besoin d’une ville calme, ensoleillée. Ça semblait le meilleur endroit pour moi. Ça étonne tout le monde lorsque je parle de Los Angeles comme lieu d’une mise au vert mais c’est la vérité, je suis coupé du monde. Là-bas, j’ai pu bâtir un beau studio depuis un an, j’ai produit un paquet de musique donc… je n’ai pas à me plaindre, cet endroit me rend clairement prolifique.

Il faut trouver un moyen de conserver une porte ouverte pour accueillir l’inspiration

 

C’est là-bas qu’a été produit le dernier EP, Saline ?

Oui, partiellement.

 

C’était quoi l’ambition sur cet EP ?

Je voulais enfin nouer tous les concepts abordés ou effleurés par le passé. Ou du moins depuis la mise en abime avec Ultramajic, il y a deux ans de cela. J’ai touché à des idées qui me fascinent, comme la transmutation, l’alchimie spirituelle et je voulais intégrer ces idées dans ma substance. Ça a servi de liant dans tout ce que j’ai pu faire. L’étude de l’alchimie m’a beaucoup marqué, l’idée de transformation, de mutation des idées ou des processus biochimiques a donné une certaine dynamique dans mes derniers travaux. Mettre en perspective mes idées dans la réalité a pris un nouveau sens.

 

Vous avez posté quelque chose sur Twitter concernant un shaman. Le shamanisme est une thématique forte dans le processus créatif ?

C’est sensible n’est-ce pas ? Pas dans ma musique immédiatement, à vrai dire. C’est plus indirect que ça mais ça touche à mon inspiration. Il y a quelques années, j’ai effectué un voyage pour m’aider à comprendre d’où vient mon inspiration. Je n’aime pas l’idée d’avoir à être malheureux ou en colère pour créer. Donc, j’ai effectué ce voyage qui m’a vite mené à des concepts très spirituels. Pour autant, je n’aime pas le terme de “musique cérébrales”, l’aspect cérébral n’est pas à valoriser à mon sens, c’est une partie intégrante et indissociable, une base. Et durant ce voyage, j’ai beaucoup appris autour du symbolisme notamment, c’est quelque chose qui m’accompagne dans ma création.

L’inspiration, c’est quelque chose qui vient à vous ou c’est une résultante du travail ?

Mon concept d’inspiration implique d’être toujours ouvert, réceptif, car tout est susceptible d’être une source d’inspiration. Cela rode autour de nous. C’est un concept bouddhiste, dans le fond, que je réinterprète un peu. Cela fait sens quand les gens sont en colère, cela transporte dans un état transcendantal qui rend plus réceptif aux énergies environnantes. J’ai donc fait tout une étude pour comprendre comment atteindre ce même stade sans être en colère à longueur de temps. En raccourci, je dirais simplement qu’il faut trouver un moyen de conserver une porte ouverte – d’ordinaire fermée – pour accueillir l’inspiration. Et il y a tout un tas de techniques pour y parvenir. Ne serait-ce qu’imaginer une porte ouverte en soi par laquelle nous-même entrons. Ça marche pour moi donc je trouve ça fascinant.

 

Faîtes-vous beaucoup de méditation ? C’est une aide pour créer ?

Oui ! Enormément. Je médite quotidiennement. Et je le recommande vivement à tous (rire, ndlr). Tu n’as pas à rester seul pour le faire. Mais il faut juste mettre le bruit du monde loin de soi.

 

D’où L.A ? On est loin du bruit ?

Non. Pas du tout, c’est vrai. Mais je suis loin de la scène club.

 

Où est votre scène club ?

Surtout en Europe : Londres, Paris , Berlin…

 

Vous sortez beaucoup ?

Oui ! Toutes les semaines, tous les week-ends. Dès mercredi. Je club assidument (rires, ndlr).

 

Est-ce une gêne pour travailler ?

Pas du tout ! Au contraire, je suis amoureux du clubbing. J’aime sa culture et c’est pourquoi je fais ce que je fais. Mais j’ai besoin de temps pour moi, c’est logique. Ma vie entière n’est pas dédiée au DJing.

 

Vous ne faîtes plus de live ?

Non, j’ai arrêté. J’aime vraiment être DJ et je pense que je dois vraiment améliorer mes lives avant de reprendre.

 

C’est quelque chose qui vous manque le live ?

Tu sais, c’est épuisant… Et je t’assure que ça me passionnait, pendant longtemps mais ces temps-ci le DJing est vraiment ce qui me passionne. C’est une culture très riche.

 

Et c’est un moyen de connaitre un public, apprendre à l’apprivoiser.

C’est vrai. J’ai longtemps été mal à l’aise avec l’idée de jouer des titres d’autres, je ne jouais que les miens. Petit à petit j’ai appris à lâcher de la pression vis-à-vis de tout ça, à détacher mes performances de mes uniques créations et ça m’a vraiment libéré. Je prends un plaisir dingue à être DJ aujourd’hui.

 

Une dernière question concernant Machinedrum : vous avez des esthétiques très différentes, comment vous-accordez-vous au sein d’Ultramajic ?

Nous avons été les meilleurs amis pendant douze ans, nous venons du hip hop tous les deux. Nous restons très proches tous les deux et très inspirés même si nous prenons des chemins propres, nous nous comprenons avec franchise.

 

Des choses sont à venir ? Des longs formats ?

Oui mais je ne peux rien révéler pour l’instant. Ça va être gros.