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Ghost Culture : “Cet album, c’est le son de quelqu’un qui ne veut pas faire de bruit”

Depuis la parution de Giudecca, house de chamber murmurée pour ensorceler, James Greenwood nous tient sous son charme. Le premier LP sorti, il devenait urgent de le rencontrer.

Vous étiez au Silencio il y a quelques jours, plutôt chic pour un premier live.
James :
C’était fantastique. J’ai beaucoup aimé l’idée que les téléphones soient interdits de la sorte. Le public est vraiment là. Plutôt que derrière un écran. C’était vraiment un bon entrainement. Et aujourd’hui je me sens vraiment bien, cette salle a eu un effet super positif sur moi.

Pourtant l’endroit n’est pas immense et j’ai eu ouïe dire que vous ne monteriez sur scène qu’avec une mise en scène importante.
James :
c’est juste. Mais pour l’occasion j’ai opté pour un format réduit. C’est un cadre qui joue beaucoup sur les ombres et lumières mais comme je transportais toutes les lumières avec moi, j’ai privilégié une formule légère. Donc il n’y avait que quatre lampes de ma fabrication.

Cela semble très solennel comme atmosphère.
James :
ça l’est. Parce que l’album à ce côté intime et que je tiens avant toute chose à restituer l’atmosphère de l’album. Qui plus est, cela me permet d’offrir un visuel à regarder tout en m’effaçant au profit de ma musique. La musique agit directement quoi qu’il en soit mais je ne veux pas simplement la diffuser, je veux la partager. Et ce dispositif permet ça.

Je crois que je chante ainsi parce que je ne voulais déranger personne

Tout ça sonne comme si vous aviez toujours pensé au format de votre live.
James :
c’est exactement ça, depuis mes premières démos, je rêvasse autour de ce à quoi mes lives pourraient ressembler. Et tout est composé pour fonctionner avant toute chose en live.

Est-ce que vous lisez ce que les gens écrivent sur vous ?
James :
oui. C’est inévitable. Surtout quand tu gères ton propre réseau social comme je le fais. Je n’ai jamais eu de Facebook ou autre avant de sortir mon premier EP et je vois bien que c’est impossible de ne pas lire. Après, je ne fais pas de la musique pour ça. Je pourrais lire des horreurs sur mon compte je continuerais à faire l’exacte même chose. Et c’est justement l’opposé qui se produit. Je lis des choses très encourageantes. Mais c’est un bonus. Si je lis des choses sympathiques, sinon je m’en moque. Il m’est arrivé de lire des avis sur ma façon de chanter notamment. Ça ne changera rien à ma façon de faire.

C’est un sentiment étrange de voir sa musique être appropriée par un inconnu ?
James :
c’est absolument bizarre. Je n’ai rien connu de commun comme sentiment. Je ne pensais pas que ça me marquerait autant, c’est étrange de voir son bébé prendre vie dans le monde ainsi.

Et justement dans ce qu’il s’écrit souvent, on trouve cette idée de vous placer systématiquement entre Connan Mockasin et Daniel Avery.
James :
Je comprends complétement que ça arrive mais je n’ai rien fait consciemment. Nous n’avons pas les mêmes influences qui plus est. Mais cela vient aussi du fait que j’ai signé chez Phantasy, Erol m’a signé après que Dan (Avery, ndlr) – avec qui je travaillais à l’époque – lui ai soumis ma musique. Et même si j’aime énormément la musique de Dan ou de Connan, nous ne nous faisons pas la même idée de la musique.

Néanmoins j’ai le sentiment que vous vous sentez plus songwritter que producteur.
James :
C’est exact.

Du coup un songwritter qui joue de la pop avec des moyens de house ?
James :
quelque chose comme ça oui. Je ne sais pas tant que ça d’où viennent ces influences dancefloors, à vrai dire. Je voulais être étonné par le résultat.

Pourtant il y a quelque chose très house de chambre dans l’album.
James :
house de chambre ? J’aime beaucoup l’idée. Ça se ressent dans le premier titre. Ainsi que dans Giudecca. Mais ça ne s’appliquerait pas à mon titre sans batterie, très ambient. Mais peu importe, l’idée de la chambre est parfaite, c’est peut-être un des traits d’unions de tout l’album. C’est le genre d’espace dans lequel j’aime savoir ma musique se propager.

Cette intimité vient aussi peut-être de cette manière très murmurée de chanter.
James :
oui. Ça n’était pas prévu, je crois que je chante ainsi parce que je ne voulais déranger personne en fait (rires, ndlr). Parce que je ne chantais pas tellement au studio. J’ai fait des prises de voix, un peu partout, chez moi, la nuit même. Et puis aussi parce que je n’ai jamais voulu être un chanteur. Je ne sais pas comment on fait, je n’y ai jamais réfléchi. Et en fonction de ce que j’ai écrit, cette douceur me paraissait logique.

On y verrait quelque chose d’un crooner ?
James :
oui complétement. Enfin j’aime l’idée, je ne sais pas si j’y parviens mais je me dirige vers ça.

Il y a quelque chose de très nocturne dans cet album. Avez-vous jamais été inspiré par vos rêves pour écrire ?
James :
c’est amusant parce que les textes ont surtout été écrits de jour. Lors de mes pauses déjeuners notamment. Et j’ai écrit beaucoup dans la chambre de mes parents. Puis j’ai eu le studio avec Dan, du coup toute ma musique se faisait uniquement de jour. Donc finalement, tout cet album, tout au moins dans sa conception, est diurne.

L’aspect nocturne est simplement une manière de le voir ?
James :
Peut-être. Ou peut-être ai-je un esprit très nocturne.

On dit souvent que l’artiste tente de reproduire dans son Art tout ce qu’il a connu durant son adolescence, moment très riche émotionnellement. C’est votre cas ?
James :
définitivement. A tel point que j’ai même découvert récemment que la mélodie de Mouth a été écrite lorsque j’avais 17 ans. J’étais en train de composer et une mélodie m’est venue, elle m’était familière. Il a fallu que l’album sorte pour que je me rende compte que je l’avais déjà écrite il y a des années à la guitare. Mais je l’aime toujours. Donc je suis d’accord avec cette théorie même si j’écoutais des choses affreuses adolescent, comme de la pop punk à 14 ans. J’ai toujours connu une affection pour l’aspect le plus mainstream du post-punk type Depeche Mode ou New Order mais sinon j’ai écouté des choses affreuses jusqu’à ce que je me passionne pour l’électronique.

En repensant à ce qui a influencé votre manière de chanter, c’est curieux de remarquer en quoi l’immobilier peut influencer la création…
James :
exactement…Mon album aurait été complètement différent, j’en suis certain, si j’avais loué une grange au milieu de rien. J’aurais certainement tenté quelque chose de plus bruyant. Cet album, c’est aussi le son de quelqu’un qui ne veut pas faire de bruit. Maintenant, j’ai un studio, c’est un container réhabilité au bord des quais – Richard Fearless nous a refilé le tuyau, le sien est à côté – donc je peux faire le bruit que je souhaite mais avant ça, j’étais très contraint.

Et Londres est toujours un chouette endroit pour créer ?
James :
dans notre cas oui, nous sommes très chanceux parce que l’endroit est en partie une fondation pour l’Art. J’aimerais que nous ayons une attitude plus similaire à la France, où l’état s’investit. En Angleterre, ce genre d’initiatives n’existe pas sous prétexte que tous les musées sont gratuits. Donc c’est très bien en termes d’accessibilité mais il n’y a pas de soutien à la création et un jour ils n’auront plus rien à mettre dans ces musées. Donc Londres est une ville merveilleuse pour créer des connections et sortir mais c’est une ville hyper difficile pour débuter. Très tôt j’ai pu de mon côté réussir à jouxter mes revenus et ma passion mais pour beaucoup il faut avoir un boulot à côté si tu souhaites vivre de ta musique et beaucoup de projets tombent à l’eau à cause de ça. Ça réclame un investissement énorme en énergie et temps de s’engager dans une voie musicale aujourd’hui.

D’autant plus que les clubs ferment à tour de bras à Londres.
James : Plastic People, White Heat, Madame Jojo’s, combien ont disparu… Si on ne fait pas quelque chose vite pour arranger la situation, il n’y aura bientôt plus de lieux pour diffuser la musique. Petit à petit des clubs cools deviennent des chaines de cafés sous le poids de la bulle immobilière et la ville intéresse de moins en moins, devient bien trop chère. Je le constate, les gens quittent Londres. Peut-être que moi-même je vais me résoudre à trouver cette grange en rase campagne.