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Black Zone Myth Chant : l’histoire de la mystérieuse K7 qui a parcouru le monde

L’une des plus belles ré-éditions de l’année vient du label Laitdbac. Damien, à l’origine du projet, nous en raconte la genèse.

Comment une cassette (et un CD-R) presque anonyme a-t-elle fait le voyage des souterrains ambiant jusque dans vos oreilles, alors qu’elle est aujourd’hui ré-édité en vinyle? Black Zone Myth Chant, sortie sous ce pseudo par High Wolf, a quelque chose de mystique, de magnétique, d’inexplicable. Si l’intéressé refuse toujours d’assumer son oeuvre – bien que tout le monde sache qu’il en est l’auteur – c’est sans aucun doute l’une de ses plus belles pièces.

Tout le monde semble voir dans ce disque des références différentes, des héritages variés. Cet aspect participe d’ailleurs à la légende de ces 9 tracks boulversantes. Tout comme cet artwork, improbable et sublime. On a donc rencontré Damien, du label Laitdbac, pour qu’il nous parle de l’histoire de cette ré-édition officielle.

Villa Schweppes : D’abord, comment ce qui était une cassette et un CD-R d’un français diffusé confidentiellement, principalement hors de France d’ailleurs, est-il arrivé sur ton lecteur ?

Damien Laitdbac : J’ai des espions un peu partout – celui qui m’a fait découvrir Straight Cassette l’aurait sans doute gardé pour lui s’il avait déjà monté son label (l’excellent Fin de Siècle).

Tu étais en contact avec d’autres fans de cette cassette ? Comment y réagissaient-ils ?

À vrai dire, à part Dom du label Fin de Siècle, non. Mais depuis que j’ai annoncé qu’on en sortirait une version LP, j’ai découvert que la cassette faisait l’objet d’un mini-culte (comme beaucoup des sorties du label de High Wolf, Winged Sun Records, en fait). Il y a toute une communauté qui se réunit régulièrement pour prier le dieu Black Zone. Des gens aussi illustres et respectables que Low Jack et Joseph Ghosn sont des fans de la première heure.

On parle souvent de hip hop au sujet de ce disque. Pourtant, il a aussi nettement à voir avec la musique industrielle, “post-techno”, Opal Tapes, non ? N’y a-t-il pas un côté test de Rorschach ?

J’ai l’impression que ça dépend d’où on vient : mon background (et celui de Thibaud avec qui j’ai monté le label) est clairement hip-hop – nous avons beaucoup écouté le rap indé bizarre du début des années 2000 et avons eu un peu comme tout le monde une grosse phase Houston vers 2005-2006. Du coup, Black Zone Myth Chant nous apparaît comme une synthèse de tout ça – le chaînon manquant entre les bizarreries presque indus de Thavius Beck et le rap sous-pitché de Houston.

Évidemment, on y entend autre chose : du drone, de la musique minimaliste, du free-jazz. Depuis le début, Thibaud soutient que c’est proche du courant witch-house – des gens comme Salem et oOoOO (qui est de Houston, justement) ont dû écouter les mixtapes de DJ Screw en boucle.

Je ne m’intéresse à des labels comme Opal Tapes que depuis très peu de temps – j’ai découvert l’existence et la musique de Karen Gwyer le 2 juin dernier (je le sais, j’en avais fait un billet sur mon blog ) – et je suis encore un néophyte en matière de musique expérimentale proprement dite.

Dans le catalogue de Laitdbac, il nous semble que Black Zone Myth Chant trouve parfaitement sa place entre Alpine Decline, qui est un groupe de rock mais qui fraye avec la scène expé américaine (Not Not Fun, etc) et qui a des side-projects drone, et Bigg Jus – l’ex rappeur de Company Flow dont on a sorti l’album solo il y a deux ans.

Comment High Wolf a-t-il reçu la proposition de ré-édition vinyle ? Comment percevait-il cette oeuvre au départ ? Face aux formats DIY de départ, le noble vinyle ne “perturbait”-il pas sa démarche ?

Sa réponse à mon mail du 9 février dernier était exactement celle-ci :

Salut,
ouais, pourquoi pas ? Ca me ferait plaisir de le voir en LP, ça devait se faire il y a un an ou deux mais ça n’a pas marché…Tu peux me donner plus de détails?
Merci pour ton mail

Pour ce qui est de son idée de départ et de la façon dont le changement de format a pu “perturber” sa démarche, je ne voudrais pas répondre à sa place (vous pourrez dire publiquement qu’il s’est défilé pour cette interview) mais en tout cas il était hors de question pour lui de toucher au mix ni même au mastering. Ça tombe bien, nous n’avions pas non plus envie de retoucher le son.

Tu as discuté avec lui de cet artwork ? Qu’est-ce qui, à l’époque, l’avait décidé à utiliser Ornette Coleman et ce jaune ?

C’est la même chose que pour le son, il était inenvisageable de ne pas reprendre le même visuel – qui m’avait donné envie d’écouter le projet initialement et que j’ai toujours révé de voir imprimé en 30 x 30. J’ignore pourquoi il a choisi d’illustrer cette musique avec les visages d’Ornette Coleman et de Sun Ra, ni pourquoi il a choisi ce jaune mais je trouve que c’est une heureuse intuition.